Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3390

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 240-241).

3390. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 6 août.

Madame, vous avez eu la consolation de voir monsieur votre fils : mais où va-t-il ? où est-il ? Pardonnez à mes questions, et souffrez l’intérêt que j’y prends. On dit à Paris que le maréchal de Richelieu va prendre le commandement de l’armée du maréchal d’Étrées, et j’en doute. On dit que ce maréchal d’Étrées a gagné une bataille le 26 juillet[1], et j’en doute encore. Les affaires du roi de Prusse paraissent bien mauvaises. On ne parle que de postes emportés par les Autrichiens, de convois coupés, de magasins pris. On ajoute que les officiers prussiens désertent, et que le roi de Prusse en a fait arquebuser quarante pour s’attacher les autres davantage ; on dit qu’il a fait mettre en prison un prince d’Anhalt[2]. On me mande de l’armée autrichienne que le roi de Prusse est sans ressource. Voici bientôt le temps où Mme Denis pourrait demander les oreilles de ce coquin de Francfort, qui eut l’insolence de faire arrêter dans la rue, la baïonnette dans le ventre, la femme d’un officier du roi de France, voyageant avec le passe-port du roi son maître.

On croit à Vienne que si le roi de Prusse succombe, il sera mis au ban de l’empire, et que ceux qui ont abusé de son pouvoir seront punis.

Les Russes avancent dans la Prusse. L’ennemi public sera pris de tous côtés. Vive Marie-Thérèse ! Portez-vous bien, madame, pour voir le dénoûment de tout ceci.

  1. Voyez une note de la lettre 3367.
  2. Maurice d’Anhalt.