Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3467

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 310-311).

3467. — À M. D’ALEMBERT.
Aux Délice, 2 décembre.

Dumarsais n’a commencé à vivre, mon cher philosophe, que depuis qu’il est mort ; vous lui donnez l’existence et l’immortalité[1]. Vous faites à jamais votre éloge par les Éloges que vous faites. On m’apprend que celui de Genève[2] se trouve dans le nouveau tome de l’Encyclopédie ; mais on prétend que vous y louez la modération de certaines gens. Hélas ! vous ne les connaissez point ; les Genevois ne disent point leur secret aux étrangers. Les agneaux que vous croyez tolérants seraient des loups si on les laissait faire. Ils ont, en dernier lieu, joué saintement un tour abominable à un citoyen philosophe qu’ils ont empêché d’entrer dans la magistrature, par une calomnie trop tard reconnue et trop peu punie. Tutto ’l mondo e fatto come la nostra famiglia.

Je suis persuadé que vous êtes toujours exactement payé de votre pension brandebourgeoise. J’ai consolé pendant deux mois le roi de Prusse ; à présent il faut le féliciter. Il est vrai que ses États ne sont pas encore en sûreté ; mais il y a mis sa gloire, et il est encore en état de payer douze cents francs. Courage ; continuez, vous et vos confrères, à renverser le fantôme[3] hideux, ennemi de la philosophie et persécuteur des philosophes.

Mme Denis vous fait mille compliments.

  1. Allusion à son Êloge, par d’Alembert, qui est dans le tome VII de l’Encyclopédie.
  2. Allusion à l’article Genève.
  3. L’infâme fanatisme. (Cl.)