Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3503

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 343-344).

3503. — À M.  D’ALEMBERT.
À Lausanne, 3 janvier.

Le peu que je viens de lire du septième tome, mon cher grand homme, confirme bien ce que j’avais dit quand vous commençâtes, que vous vous tailliez des ailes pour voler à la postérité. Comptez que je vous révère, vous et M.  Diderot.

Il y a encore quelques gens d’un grand mérite qui ont mis de belles pierres à vos pyramides. Pour moi chétif, et mes compagnons, nous devons vous demander pardon pour nos petits cailloux ; mais vous les avez exigés. En voici trois pour le commencement de votre huitième volume. Je me suis hâté, parce que, après Habacuc, Habile doit venir. Je vous demande en grâce de ne pas retrancher un mot de la fin ; il me semble que ce que j’ai dit doit être dit.

L’article Hémistiche, que vous m’avez confié, sera plus long, quoiqu’il semble devoir être plus court. Je voudrais y donner en vers de petits préceptes et de petits exemples de la manière dont on peut varier l’uniformité des hémistiches ; j’aurais peut-être encore quelques nouveautés à dire, mais je ne suis qu’un vieux Suisse. Vous autres Parisiens, vous jetterez mes hémistiches au feu, s’ils ne vous plaisent pas.

Quand aurai-je le Père de famille ? On m’a dit que cela est extrêmement touchant. L’auteur prouve que les géomètres et les métaphysiciens ont un cœur.

Pour les prêtres, ils n’en ont point. J’ignore si l’hérétique de Prades[1] a conspiré contre le roi de Prusse. Je ne le crois pas ; mais les prêtres hérétiques de Genève conspirent contre nous ; il n’y a sorte d’atrocité que quelques-uns d’eux n’aient faite contre le mot Atroce[2] ; mais je les attends à l’article Servet. En attendant, ils doivent vous écrire. Je vous prie très-instamment de leur mander, pour toute réponse, que vous avez reçu leur lettre, que vous leur rendrez service autant que vous le pourrez, et que vous me chargez de leur signifier vos intentions et de finir cette affaire. Je vous assure que, mes amis et moi, nous les mènerons beau train ; ils boiront le calice jusqu’à la lie. Faites ce que je vous demande, et laissez agir vos amis ; vous serez content. J’attends à Lausanne Histoire contre-signée. Je suis un peu incommodé des mouches dont mon appartement est plein, vis-à-vis des glaces éternelles des Alpes. Il y a toujours dans ce monde quelque mouche qui me pique ; mais cela ne m’empêchera pas de vous servir.

On dit breslau repris par le roi de Prusse ; cela pourrait bien être[3], car il y a plus d’un mois qu’il ne m’a envoyé de vers. Je le crois très-occupé, et vous aussi. Ainsi je finis en vous embrassant de tout mon cœur ; ainsi fait Mme  Denis.


Le Suisse V.

  1. Voyez la lettre 3500.
  2. Voyez les lettres 3340, 3476, 3494.
  3. Cela était effectivement.