Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3672

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 513-514).

3672. — À M.  DARGET.
Aux Délices, 4 octobre 1758.

Je vous remercie, mon cher et ancien compagnon de Potsdam, d’avoir renvoyé la pancarte. Elle ne m’a pas paru si terrible ; mais il est bon de prendre ses précautions dans un temps où l’on pend les gens pour des paroles.

Est-il permis du moins de vous écrire que, tous tant que vous êtes à Paris, vous ne savez ce que vous dites avec votre prétendue seconde bataille des Russes, et leur prétendue victoire ? Chimères toutes pures, messieurs ; je vous ai comparés aux petites filles, qui s’imaginent que les hommes sont toujours debout. Vous pensez qu’on donne des batailles tous les jours. Cette cruelle guerre n’est pas prête à finir. Je m’unis à votre Te Deum pour la déconfiture des pirates anglais près de Saint-Malo[1] ; c’est toujours une consolation.

Vous souvenez-vous du petit Francheville, qui avait passé de mon taudis au palais du prince de Prusse ? Le prince Henri lui conserve ses appointements ; il m’a promis de me venir voir.

Le roi de Prusse m’a écrit deux lettres depuis son affaire avec les Russes. Je vous assure qu’il n’a pas le style d’un homme vaincu.

Je n’abandonne point du tout Pierre le Grand, quoiqu’on ait battu les troupes de sa fille ; je suis trop fidèle à mes engagements.

Je n’ai jamais reçu le paquet du 25 de juillet dont vous parlez ; mais je recevrai avec la plus grande satisfaction les lettres que vous voudrez bien écrire à votre ancien ami le campagnard, et heureux campagnard.

  1. Voyez tome XV, page 70.