Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3807

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Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 62).
3807. — À M.  VERNES.

J’ai lu enfin Candide ; il faut avoir perdu le sens pour m’attribuer cette coïonnerie ; j’ai, Dieu merci, de meilleures occupations. Si je pouvais excuser jamais l’Inquisition, je pardonnerais aux inquisiteurs du Portugal d’avoir pendu le raisonneur Pangloss pour avoir soutenu l’optimisme. En effet, cet optimisme détruit visiblement les fondements de notre sainte religion ; il mène à la fatalité ; il fait regarder la chute de l’homme comme une fable, et la malédiction prononcée par Dieu même contre la terre, comme vaine. C’est le sentiment de toutes les personnes religieuses et instruites : elles regardent l’optimisme comme une impiété affreuse.

Pour moi, qui suis plus modéré, je ferais grâce à cet optimisme, pourvu que ceux qui soutiennent ce système ajoutassent qu’ils croient que Dieu, dans une autre vie, nous donnera, selon sa miséricorde, le bien dont il nous prive en ce monde, selon sa justice. C’est l’éternité à venir qui fait l’optimisme, et non le moment présent.

Vous êtes bien jeune pour penser à cette éternité, et j’en approche.

Je vous souhaite le bien-être dans cette vie et dans l’autre[1].

  1. À la suite de cette lettre on a imprimé un P. S. qui n’est autre que le billet qu’on a vu ci-dessus, lettre 3801.