Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3883

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Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 137-138).

3883. — À M.  LE CONSEILLER LE BAULT[1].
Aux Délices, près de Genève, 3 juillet.

Je vous demandais, monsieur, avec humilité deux cents ceps de vigne, sentant parfaitement combien ma terre maudite, mon vigneron et moi, nous sommes indignes d’une telle faveur. Vous daignez m’en faire parvenir davantage.


Dî melius fecere, bene est ; nihil amplius opto.


Je ne prétends pas faire cent bouteilles de vin d’un bourguignon allobroge. Je ne veux que plaisanter avec mon terrain calviniste. Le territoire païen des Hottentots est un peu plus béni de Dieu. C’est là que les vignes de Bourgogne se perfectionnent ; mais nous ne sommes pas, dans notre Allobrogie, au trente-quatrième degré de latitude, comme le cap de Bonne-Espérance. Puisque vous avez, monsieur, la condescendance de vous prêter à mes fantaisies, j’attendrai vos bienfaits ; mais vous voudrez bien que je vous supplie de permettre que je paye les ceps et la peine de ceux qui les auront déplantés. Il est bien doux de s’occuper de ces amusements, tandis qu’on s’égorge sur terre et sur mer, que l’Allemagne s’épuise de sang, et la France d’argent.

Je présente mes respects à Mme  Le Bault, et j’ai l’honneur d’être avec les mêmes sentiments, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

  1. Éditeur, de Mandat-Grancey. — En entier de la main de Voltaire. (Note du premier éditeur.)