Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4089

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Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 347).
4089. — À M. LE COMTE D’ALBARET[1],
à turin.
Aux Délices, 10 avril.

Vous direz, monsieur, que je suis un paresseux, et vous aurez raison ; mais vous connaissez ma détestable santé. Ne jugez point de mes sentiments par ma négligence ; croyez que, de tous les paresseux et de tous les malades, je suis celui qui vous est le plus dévoué. Mme Denis va rejouer ; mais pour moi, je renonce au tripot. Je suis trop vieux, et je m’affaiblis tous les jours. Vraiment je serais charmé de voir la traduction de cette Alzire. Je suis comme les vieilles qui aiment les portraits dans lesquels elles se trouvent embellies.

Tout ce que vous me dites de madame l’ambassadrice de France se rapporte fort à ce qu’elle nous a laissé entrevoir. Elle paraît pétrie de grâces et de talents. Si j’avais la hardiesse de passer les Alpes, ce serait pour elle, pour M. de Chauvelin, pour vous, monsieur, et non pour entendre des opéras ; mais il faut achever ma carrière dans ma retraite. Je suis assez semblable aux girouettes, qui ne se fixent que quand elles sont rouillées. Comptez que, malgré mes misères, je sens bien vivement votre mérite et vos bontés ; autant en fait Mme Denis. Umillimo.


Voltaire.

  1. La lettre 3909 lui est adressée.