Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4253

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Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 533-534).

4253. — À M.  LE COMTE ALGAROTTI.
Septembre.

No, no, no, caro cigno di Padova, non ho ricevuto le lettere sopra la Russia[1], e me ne dolgo ; car, si je les avais lues, j’en aurais parlé dans une très-facétieuse Préface[2] où je rends justice à ceux qui parlent bien de ce qu’ils ont vu, et où je me moque beaucoup de ceux qui parlent à tort et à travers de ce qu’ils n’ont point vu. Baste, se sera pour l’antiphone du second volume : car vous saurez que, n’ayant point encore reçu les mémoires nécessaires pour le complément de l’ouvrage, je n’ai pas encore été plus loin que Pultava.

Orsù, bisogna sapere che vi sono due valenti banchieri a Milano, chiamati Bianchi e Balestrerio, et quegli rinomati banchieri sono li corrispondenti d’un valente mercante, o mercatante, di Ginevra, chiamato Le Fort, di quella famiglia di Le Fort, la quale ha dato alla Russia il gran consigliere del gran Pietro.

Le lettere sopra la Russia non si smarriranno quando saranno indirizzate dal Bianchi a un Le Fort. Prenez donc cette voie, caro cigno ; godete la vostra bella patria. Je vais adresser incessamment à Venise le premier volume russe par le signor Bianchi. Je serais tenté d’y joindre le plan du petit château de Ferney, que je viens de faire bâtir moi tout seul. Les Allobroges me disent que j’ai attrapé le vrai goût d’Italie ;


· · · · · · · · · · · · · · · sed non ego credulus illis.

(Virg., ecl. ix, v. 34.)

Mais j’ai bâti aussi une tragédie à l’italienne, qu’on joue actuellement à Paris. La scène est en Sicile. C’est de la chevalerie, c’est du temps de l’arrivée des seigneurs normands à Naples, ou plutôt à Capoue. Il y est question d’un pape[3] qui est nommé sur le théâtre. Cependant les Français n’ont point ri, et les Françaises ont beaucoup pleuré.

Je tiens toujours mes bons Parisiens en haleine, de façon ou d’autre. J’amuse ma vieillesse, il n’y a guère de moments vides. Vous êtes, vous, dans la force de l’âge et du génie ; je ne marche plus qu’avec des béquilles, et vous courez, et vous allez ferme, e le dame e le muse vi favoriscono a gara.

Vive beatus ; have you read Tristam Shandy[4] This is a very unaccountable book, and an original one ; they run mad about it in England.

Les philosophes triomphent à Paris. Nous avons écrasé leurs ennemis en les rendant ridicules.

Vivez beatus, vous dis-je.

  1. Saggio di Lettere sopra la Russia. Ce recueil était le Journal du voyage fait par Algarotti à Petersbourg, en 1739, sur la frégate l’Auguste, aux ordres de milord Baltimore. Ce voyage ou ces Lettres ont été traduites en français. Paris, 1769, in-12 ; Neufchâtel, 1770, in-12 ; et dans le tome V des Œuvres d’Algarotti traduites en français, Berlin, 1772, huit volumes in-8o.
  2. Voyez tome XVI, page 381 ; et la lettre 4219.
  3. Léon IV ; voyez tome V, page 502.
  4. Les deux premiers volumes de cet ouvrage de Sterne venaient de paraître. Le neuvième et dernier ne fut mis en vente qu’en 1767.