Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4428
Reçu le petit livre royal De Moribus brachmanorum. Me voilà plus confirmé que jamais dans mon opinion que les livres rares ne sont rares que parce qu’ils sont mauvais ; j’en excepte seulement certains livres de philosophie, qui sont lus des seuls sages, que les sots n’entendraient pas, et que les sots persécutent.
Je reçois aussi la Divine Légation de Moïse[1] de l’évêque Warburton, dans laquelle cet évêque prouve que Moïse était inspiré de Dieu, parce qu’il n’enseignait pas l’immortalité de l’âme.
Point de roman de Jean-Jacques[2], s’il vous plaît ; je l’ai lu pour mon malheur ; et c’eût été pour le sien, si j’avais le temps de dire ce que je pense de cet impertinent ouvrage. Mais un cultivateur, un maçon, et le précepteur de Mlle Corneille, et le vengeur d’une famille accablée par des prêtres, n’a pas le temps de parler de romans.
Joue-t-on Tancrède ? joue-t-on le Père de famille ? Ô mon cher frère Diderot ! je vous cède la place de tout mon cœur, et je voudrais vous couronner de lauriers[3].