Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4531

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 275-283).

4531. — À M.  LE DUC DE LA VALLIÈRE,
grand-fauconnier de france[1].

Votre procédé, monsieur le duc, est de l’ancienne chevalerie : vous vous exposez pour sauver un homme qui s’est mis en péril à votre suite ; mais la petite erreur dans laquelle vous m’avez induit sert à déployer votre profonde érudition ; peu de grands-fauconniers auraient déterré les Sermones festivi, imprimés en 1502. Raillerie à part, vous faites une action digne de votre belle âme, en vous mettant pour moi à la brèche.

Vous me disiez dans votre première lettre qu’Urceus Codrus était un grand prédicateur, vous m’apprenez dans votre seconde que c’était un grand libertin, mais cependant qu’il n’était pas cordelier. Vous demandez pardon à saint François d’Assise, et à tout l’ordre séraphique, de la méprise où vous m’avez fait tomber. Je prends sur moi la pénitence ; mais il reste toujours pour véritable que les mystères représentés à l’hôtel de Bourgogne étaient beaucoup plus décents que la plupart des sermons du xvie siècle. C’est sur ce point que roule la question.

Mettons qui nous voudrons à la place d’Urceus Codrus, et nous aurons raison. Il n’y a pas un mot dans les mystères qui alarme la pudeur et la piété. Quarante associés, qui font et qui jouent des pièces saintes en français, ne peuvent s’accorder à déshonorer leurs pièces par des indécences qui révolteraient le public, et qui feraient fermer le théâtre. Mais un prédicateur ignorant, qui n’a nul usage des bienséances, peut mêler dans son sermon quelques sottises, surtout quand il les prononce en latin.

Tels étaient, par exemple, les sermons du cordelier Maillard, que vous avez sans doute dans votre riche et immense bibliothèque ; vous verrez, dans son sermon du jeudi de la seconde semaine du carême, qu’il apostrophe ainsi les femmes des avocats qui portent des habits garnis d’or[2] : « Vous dites que vous êtes vêtues suivant votre état : à tous les diables votre état et vous-mêmes, mesdemoiselles ! Vous me direz peut-être : Nos maris ne nous donnent point de si belles robes ; nous les gagnons de la peine de notre corps : à trente mille diables la peine de votre corps, mesdemoiselles ! »

Je ne vous répète que ce trait, de frère Maillard, pour ménager votre pudeur ; mais si vous voulez vous donner le soin d’en chercher de plus forts dans le même auteur, vous en trouverez de dignes d’Urceus Codrus. Frère André et Menot étaient fort fameux pour les turpitudes : la chaire, à la vérité, ne fut pas toujours souillée par des obscénités ; mais longtemps les sermons ne valurent pas mieux que les mystères de l’hôtel de Bourgogne.

Il faut avouer que les prétendus réformés de France furent les premiers qui mirent quelque raison dans leurs discours, parce qu’on est obligé de raisonner quand on veut changer les idées des hommes. Cette raison était encore bien loin de l’éloquence. La chaire, le barreau, le théâtre, la philosophie, la littérature, la théologie, tout chez nous fut, à quelques exceptions près, fort au-dessous des pièces qu’on joue aujourd’hui à la Foire.

Le bon goût en tout genre n’établit son empire que dans le siècle de Louis XIV : c’est là ce qui me détermina, il y a longtemps, à donner une légère esquisse de ce temps glorieux ; et vous avez remarqué que, dans cette histoire, c’est le siècle qui est mon héros encore plus que Louis XIV lui-même, quelque respect et quelque reconnaissance que nous devions à sa mémoire.

Il est vrai qu’en général nos voisins ne valaient guère mieux que nous. Comment s’est-il pu faire que l’on prêchât toujours, et que l’on prêchât si mal ? Comment les Italiens, qui s’étaient tirés depuis si longtemps de la barbarie en tant de genres, n’étaient-ils pour la plupart, dans la chaire, que des Arlequins en surplis ; tandis que la Jérusalem du Tasse égalait l’Iliade, que l’Orlando furioso surpassait l’Odyssée, que le Pastor fido n’avait point de modèle dans l’antiquité, et que les Raphaël et les Paul Véronèse exécutaient réellement ce qu’on imagine des Zeuxis et des Apelle ?

Il n’est pas douteux, monsieur le duc, que vous n’ayez lu le concile de Trente ; il n’y a point de duc et pair, à ce que je pense, qui n’en lise quelques sessions tous les matins. Avez-vous remarqué le sermon de l’ouverture de ce concile par l’évêque de Bitonto ?

Il prouve, premièrement, que le concile est nécessaire parce que plusieurs conciles ont déposé des rois et des empereurs ; secondement, parce que, dans l’Énéide, Jupiter assemble le concile des dieux ; troisièmement, parce qu’à la création de l’homme et à l’aventure de la tour de Babel Dieu s’y prit en forme de concile. Il assure ensuite que tous les prélats doivent se rendre à Trente, comme dans le cheval de Troie : enfin, que la porte du paradis et du concile est la même ; que l’eau vive en découle, et que les Pères doivent en arroser leur cœur comme des terres sèches : faute de quoi, le Saint-Esprit leur ouvrira la bouche comme à Balaam et à Caïphe.

Voilà ce qui fut prêché devant les états généraux de la chrétienté. Quel préjugé divin en faveur d’un concile ! Le sermon de saint Antoine de Padoue aux poissons est encore plus fameux en Italie que celui de M. de Bitonto. On pourrait donc excuser notre frère André et notre frère Garasse, et tous nos Gilles de la chaire des xvie et xviie siècles, s’ils n’ont pas mieux valu que nos maîtres les Italiens.

Mais quelle était la source de cette grossièreté absurde, si universellement répandue en Italie du temps du Tasse ; en France, du temps de Montaigne, de Charron, et du chancelier de L’Hospital ; en Angleterre, dans le siècle de Bacon ? Comment ces hommes de génie ne réformaient-ils pas leurs siècles ? Prenez-vous-en aux collèges qui élevaient la jeunesse, et à l’esprit monacal et théologal qui mettait la dernière main à notre barbarie, que les collèges avaient ébauchée. Un génie tel que le Tasse lisait Virgile, et produisait la Jérusalem ; un Machiavel lisait Térence, et faisait la Mandragore ; mais quel moine, quel docteur lisait Cicéron et Démosthène ? Un malheureux écolier, devenu imbécile pour avoir été forcé pendant quatre ans d’apprendre par cœur Jean Despautère, et ensuite devenu fou pour avoir soutenu une thèse sur l’universel de la part de la chose et de la pensée, et sur les catégories, recevait en public son bonnet et ses lettres de démence, et s’en allait prêcher devant un auditoire dont les trois quarts étaient plus imbéciles que lui, et plus mal élevés.

Le peuple écoutait ces farces théologiques, le cou tendu, les yeux fixes, la bouche ouverte, comme les enfants écoutent des contes de sorciers, et s’en retournait tout contrit. Le même esprit qui le conduisait aux facéties de la Mère sotte le conduisait à ces sermons ; et on y était d’autant plus assidu qu’il n’en coûtait rien. Car mettez un impôt sur les messes, comme on le proposa dans la minorité de Louis XIV, personne n’entendra la messe.

Ce ne fut guère que du temps de Coeffeteau et de Balzac que quelques prédicateurs osèrent parler raisonnablement, mais ennuyeusement ; et enfin Bourdaloue fut le premier en Europe qui eut de l’éloquence en chaire. Je rapporterai encore ici le témoignage de Burnet, évêque de Salisbury, qui dit, dans ses Mémoires, qu’en voyageant en France il fut étonné de ces sermons, et que Bourdaloue réforma les prédicateurs d’Angleterre comme ceux de France.

Bourdaloue fut presque le Corneille de la chaire, comme Massillon en a été depuis le Racine : non que j’égale un art à moitié profane à un ministère presque saint, non que j’égale non plus la difficulté médiocre de faire un bon sermon à la difficulté prodigieuse et inexprimable de faire une bonne tragédie ; mais je dis que Bourdaloue voulut raisonner comme Corneille, et que Massillon s’étudia à être aussi élégant en prose que Racine l’était en vers.

Il est vrai qu’on reprocha souvent à Bourdaloue, comme à Corneille, d’être un peu trop avocat, de vouloir trop prouver au lieu de toucher, et de donner quelquefois de mauvaises preuves. Massillon, au contraire, crut qu’il valait mieux peindre et émouvoir : il imita Racine, autant qu’on peut l’imiter en prose, en prêchant cependant que les auteurs dramatiques sont damnés : car il faut bien que chaque apothicaire vante son onguent, et damne celui de son voisin[3]. Son style est pur, ses peintures sont attendrissantes.

Relisez ce morceau sur l’humanité des grands :

« Hélas ! s’il pouvait être quelquefois permis d’être sombre, bizarre, chagrin, à charge aux autres et à soi-même, ce devrait être à ces infortunés que la faim, la misère, les calamités, les nécessités domestiques, et tous les plus noirs soucis environnent. Ils seraient bien plus dignes d’excuse si, portant déjà le deuil, l’amertume, le désespoir souvent dans le cœur, ils en laissaient échapper quelques traits au dehors. Mais que les grands, que les heureux du monde, à qui tout rit et que les joies et les plaisirs accompagnent partout, prétendent tirer de leur félicité même un privilége qui excuse leurs chagrins bizarres et leurs caprices ; qu’il leur soit plus permis d’être fâcheux, inquiets, inabordables, parce qu’ils sont plus heureux ; qu’ils regardent comme un droit acquis à la prospérité d’accabler encore du poids de leur humeur des malheureux qui gémissent déjà sous le joug de leur autorité et de leur puissance : grand Dieu ! serait-ce donc là le privilége des grands ? »

Souvenez-vous ensuite de ce morceau de Britannicus :


Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs ;
Vos jours, toujours sereins, coulent dans les plaisirs :
L’empire en est pour vous l’inépuisable source ;
Ou si quelque chagrin en interrompt la course,
Tout l’univers, soigneux de les entretenir,
S’empresse à l’effacer de votre souvenir.
Britannicus est seul : quelque ennui qui le presse,
Il ne voit dans son sort que moi qui s’intéresse,
Et n’a pour tout plaisir, seigneur, que quelques pleurs
Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs.

(Acte II, scène iii.)

Je crois voir, dans la comparaison de ces deux morceaux, le disciple qui tâche de lutter contre le maître. Je vous en montrerais vingt exemples, si je ne craignais d’être long.

Massillon et Cheminais savaient Racine par cœur, et déguisaient les vers de ce divin poëte dans leur prose pieuse. C’est ainsi que plusieurs prédicateurs venaient apprendre chez Baron l’art de la déclamation, et rectifiaient ensuite le geste du comédien par le geste de l’orateur sacré. Rien ne prouve mieux que tous les arts sont frères, quoique les artistes soient bien loin de l’être.

Le malheur des sermons, c’est que ce sont des déclamations dans lesquelles on dit trop souvent le pour et le contre. Le même homme qui, dimanche dernier, assurait qu’il n’y a point de félicité dans la grandeur ; que les couronnes sont des épines ; que les cours ne renferment que d’illustres malheureux ; que la joie n’est répandue que sur le front du pauvre, prêche, le dimanche suivant, que le peuple est condamné à l’affliction et aux larmes, et que les grands de la terre sont plongés dans des délices dangereuses.

Ils disent, dans l’avent, que Dieu est sans cesse occupé du soin de fournir à tous nos besoins ; et, en carême, que la terre est maudite. Ces lieux communs les mènent jusqu’au bout de l’année par des phrases fleuries et ennuyeuses.

Les prédicateurs, en Angleterre, ont pris un autre tour qui ne nous conviendrait guère. Le livre de la métaphysique la plus profonde est le recueil des sermons de Clarke. On dirait qu’il n’a prêché que pour les philosophes. Encore ces philosophes auraient pu lui demander à chaque période un long éclaircissement ; et le Français à Londres, à qui on ne prouve rien[4], aurait bientôt laissé là le prédicateur. Son recueil fait un excellent livre, que très-peu de gens sont capables d’entendre. Quelle différence entre les temps et entre les nations ! et qu’il y a loin de frère Garasse et de frère André aux Clarke et aux Massillon !

Dans l’étude que j’ai faite de l’histoire, j’en ai toujours tiré ce fruit que le temps où nous vivons est de tous les temps le plus éclairé, malgré nos très-mauvais livres, et malgré la foule de tant d’insipides journaux ; comme il est le plus heureux, malgré nos calamités passagères. Car quel est l’homme de lettres qui ne sache que le bon goût n’a été le partage de la France qu’à commencer au temps de Cinna et des Provinciales ? Et quel est l’homme un peu versé dans notre histoire qui puisse assigner un temps plus heureux, depuis Clovis, que le temps qui s’est écoulé depuis que Louis XIV commença à régner par lui-même jusqu’au moment où j’ai l’honneur de vous parler ? Je défie l’homme de la plus mauvaise humeur de me dire quel siècle il voudrait préférer au nôtre.

Il faut être juste : il faut convenir, par exemple, qu’un géomètre de vingt-quatre ans en sait beaucoup plus que Descartes, qu’un vicaire de paroisse prêche plus raisonnablement que le grand aumônier de Louis XII. La nation est plus instruite, le style en général est meilleur : par conséquent les esprits sont mieux faits aujourd’hui qu’ils ne l’étaient autrefois.

Vous me direz que nous sommes à présent dans la décadence du siècle, et qu’il y a beaucoup moins de génie et de talents que dans les beaux jours de Louis XIV : oui, le génie baisse et baissera nécessairement ; mais les lumières sont multipliées : mille peintres du temps de Salvator Rosa ne valaient pas Raphaël et Michel-Ange ; mais ces mille peintres médiocres, que Raphaël et Michel-Ange avaient formés, composaient une école infiniment supérieure à celle que ces deux grands hommes trouvèrent établie de leur temps. Nous n’avons à présent, sur la fin de notre beau siècle, ni de Massillon, ni de Bourdaloue, ni de Bossuet, ni de Fénelon ; mais le plus ennuyeux de nos prédicateurs d’aujourd’hui est un Démosthène en comparaison de tous ceux qui ont prêché depuis saint Rémi jusqu’au frère Garasse.

Il y a plus de distance de la moindre de nos tragédies aux pièces de Jodelle, que de l’Athalie de Racine aux Machabées de Lamotte et au Moïse de l’abbé Nadal. En un mot, dans tous les arts de l’esprit, nos artistes valent bien moins qu’au commencement du grand siècle et dans ses beaux jours ; mais la nation vaut mieux. Nous sommes inondés, à la vérité, de pitoyables brochures, et les miennes se mêlent à la foule : c’est une multitude prodigieuse de moucherons et de chenilles qui prouvent l’abondance des fruits et des fleurs ; vous ne voyez pas de ces insectes dans une terre stérile ; et remarquez que, dans cette foule immense de ces petits écrits, tous effacés les uns par les autres, et tous précipités au bout de quelques jours dans un oubli éternel, il y a quelquefois plus de goût et de finesse que vous n’en trouveriez dans tous les livres écrits avant les Lettres provinciales.

Voilà l’état de nos richesses de l’esprit comparées à une indigence de plus de, douze cents années.

Si vous examinez à présent nos mœurs, nos lois, notre gouvernement, notre société, vous trouverez que mon compte est juste. Je date depuis le moment où Louis XIV prit en main les rênes ; et je demande au plus acharné frondeur, au plus triste panégyriste des temps passés, s’il osera comparer les temps où nous vivons à celui où l’archevêque de Paris[5] portait au parlement un poignard dans sa poche. Aimera-t-il mieux le siècle précédent, où l’on tuait le premier ministre[6] à coups de pistolet dans la cour du Louvre, et où l’on condamnait sa femme[7] à être brûlée comme sorcière ? Dix ou douze années du grand Henri IV paraissent heureuses, après quarante ans d’abominations et d’horreurs qui font dresser les cheveux ; mais, pendant ce peu d’années que le meilleur des princes employait à guérir nos blessures, elles saignaient encore de tous côtés : le poison de la Ligue infectait encore les esprits ; les familles étaient divisées ; les mœurs étaient dures ; le fanatisme régnait partout, hormis à la cour. Le commerce commençait à naître, mais on n’en goûtait pas encore les avantages ; la société était sans agréments ; les villes, sans police ; toutes les consolations de la vie manquaient en général aux hommes. Et, pour comble de malheur, Henri IV était haï. Ce grand homme disait au duc de Sully : « Ils ne me connaissent pas ; ils me regretteront, »

Remontez à travers cent mille assassinats commis au nom de Dieu sur les débris de nos villes en cendres jusqu’au temps de François Ier, vous voyez l’Italie teinte de notre sang, un roi prisonnier dans Madrid, les ennemis au milieu de nos provinces.

Le nom de Père du peuple est resté à Louis XII ; mais ce père eut des enfants bien malheureux, et le fut lui-même : chassé de l’Italie, dupé par le pape, vaincu par Henri VIII, obligé de donner de l’argent à son vainqueur pour épouser sa sœur[8] il fut bon roi d’un peuple grossier, pauvre, et privé d’arts et de manufactures. Sa capitale n’était qu’un amas de maisons de bois, de paille, et de plâtre, presque toutes couvertes de chaume. Il vaut mieux, sans doute, vivre sous un bon roi d’un peuple éclairé et opulent, quoique malin et raisonneur.

Plus vous vous enfoncez dans les siècles précédents, plus vous trouvez tout sauvage ; et c’est ce qui rend notre histoire de France si dégoûtante, qu’on a été obligé d’en faire des Abrégés chronologiques à colonnes, où tout le nécessaire se trouve, et où l’inutile seul est omis, pour sauver l’ennui d’une lecture insupportable à ceux de nos compatriotes qui veulent savoir en quelle année la Sorbonne fut fondée ; et aux curieux qui doutent si la statue équestre qui est dans la cathédrale gothique de Paris est de Philippe de Valois ou de Philippe le Bel.

Ne dissimulons point ; nous n’existons que depuis environ six vingts ans : lois, police, discipline militaire, commerce, marine, beaux-arts, magnificence, esprit, goût, tout commence à Louis XIV, et plusieurs avantages se perfectionnent aujourd’hui. C’est là ce que j’ai voulu insinuer, en disant que tout était barbare chez nous auparavant, et que la chaire l’était comme tout le reste. Urceus Codrus ne valait pas trop la peine que je vous parlasse longtemps de lui ; mais il m’a fourni des réflexions qui pourront être utiles si vous avez la bonté de les redresser.

P. S. Dans l’éloge que je viens de faire de ce siècle, dont je vois la fin, je ne prétends point du tout comprendre le libraire qui a imprimé l’Appel aux nations[9], en faveur de Corneille et de Racine, contre Shakespeare et Otway ; et j’avouerai sans peine que Robert Estienne imprimait plus correctement que lui. Il a mis des certitudes pour des attitudes ; profanes pour anciennes ; votre sœur, pour ma sœur, et quelques autres contre-sens qui défigurent un peu cette importante brochure. Comme c’est un procès qui doit être jugé à Pétersbourg, à Berlin, à Vienne, à Paris, et à Rome, par les gens qui n’ont rien à faire, il est bon que les pièces ne soient point altérées.

  1. Cette lettre est une réponse au n° 4519. Dans les éditions de Kehl et dans beaucoup d’autres, on l’a mise dans les Mélanges littéraires ; on l’a quelquefois datée du juin 1761. Elle doit être de la fin d’avril, puisque le 8 mai (voyez lettre 4541). Voltaire avait déjà nouvelle de la manière dont elle avait été accueillie à la cour. Le Journal encyclopédique du 15 mai 1761 contient la lettre de La Vallière du 9 avril (voyez n° 4519), et la réponse de Voltaire. (B.)
  2. Quadragésime, sermon xxv.
  3. Le monologue fut en tout temps jaloux du dialogue, a dit Voltaire ; voyez tome XXIV, page 215.
  4. « Non, monsieur, on ne me démontre rien ; on ne me persuade pas même. » (Le Français à Londres, par Boissy, scène xvi.)
  5. Le cardinal de Retz ; il n’était encore que coadjuteur ; voyez tome XIV, page 191.
  6. Le maréchal d’Ancre ; voyez tome XII, page 576.
  7. Voyez ibid., page 577.
  8. Marie d’Angleterre ; voyez tome XII, page 202.
  9. Voyez tome XXIV, page 191.