Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4541

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 294-295).

4541. — À M.  DAMILAVILLE.
Le 8 mai.

J’envoie aux philosophes le seul exemplaire que j’aie du Procès du Théâtre anglais[1], seul procès que nous puissions gagner aujourd’hui contre messieurs d’Albion. M. Damilaville, ou M. Thieriot, doit avoir la lettre de M. le duc de La Vallière, et la réponse. M. le duc de La Vallière a lu cette réponse à Mme  de Pompadour, à M. le duc de Choiseul ; ils en ont été très-contents, et il me mande qu’il faut sur-le-champ l’imprimer.

Les Anglais nous font bien du mal au dehors, et la superstition au dedans. Ne mettra-t-on point ordre à tout cela ? Les échos de nos montagnes nous disent que Belle-Isle est pris[2] : c’est le dernier coup porté à notre commerce maritime. Il faut songer à cultiver la terre.

Voici une lettre pour Protagoras[3].

On n’a d’autre exemplaire de l’Épître sur l’Agriculture que celui qu’on a reçu, à ce qu’on croit, par la voie des philosophes : on le renverra purgé des fautes typographiques dont il fourmille, avec l’Appel aux nations, qui est aussi plein de fautes à chaque page ; et il y aura corrections et additions tant qu’on en pourra faire.

Il est fort triste qu’on ait imprimé l’Épître à la demoiselle Clairon[4] : le public se soucie fort peu qu’on dise en vers à une actrice qu’elle joue bien ; mais il aime fort à voir un pédant, ignorant, et malhonnête homme, démasqué et traîné dans la fange où sa famille aurait dû croupir ; un persécuteur de la philosophie et de la littérature, bourgeois insolent, fier de sa petite charge, un délateur absurde de la raison, traité comme il le mérite. C’est précisément le portrait de ce faquin qu’on a retranché ; le reste ne valait pas la peine d’être dit.

On embrasse les philosophes, et on les prie d’inspirer pour l’inf… toute l’horreur qu’on lui doit.

A-t-on joué Tèrèe[5] ? Si l’auteur est philosophe, je lui souhaite prospérité. Qu’on lie J.-J. ; que tous les frères soient unis.

  1. L’Appel à toutes les nations de l’Europe ; voyez tome XXIV, page 191.
  2. Belle-Isle ne fut pris que le 7 juin.
  3. D’Alembert ; c’est la lettre précédente.
  4. Épître à Daphné ou Panta-odai ; voyez tome X.
  5. Tragédie de Lemierre, joué en 1760.