Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4895

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 106-107).

4895. — À M.  DUCLOS.
Aux Délices, 17 mai.

J’étais très-malade, monsieur, lorsque j’eus l’honneur de vous écrire touchant l’édition de Corneille. J’ai été depuis a la mort, et je suis encore assez mal. J’ose me flatter que l’édition n’en souffrira pas beaucoup, les meilleures pièces étant commentées, et les autres ne méritant pas de l’être. Ce qui m’afflige, c’est l’obstacle que mettent les libraires de Paris à cette édition, que j’ai été obligé de diriger moi-même, et qui ne pouvait commencer que sous mes yeux. On a arrêté tous les prospectus chargés des noms des souscripteurs, à la chambre syndicale, sous prétexte qu’il y a des libraires de Paris qui ont le privilège des Œuvres de Corneille ; mais ce privilège doit être expiré, et appartient naturellement à la famille. D’ailleurs Mlle  Corneille ne pourrait-elle pas demander le privilège d’un livre intitulé Commentaires sur plusieurs tragédies de Pierre Corneille, et sur quelques autres pièces françaises et espagnoles ? On ne pourrait, ce me semble, refuser cette justice, et le livre serait imprimé sous le nom de la veuve Brunet, qui pourrait s’accommoder avec Mlle  Corneille, d’une manière avantageuse pour l’une et pour l’autre.

Ayez la bonté de me mander, monsieur, si vous approuvez cette idée, et si vous pouvez contribuer à la faire réussir. Il y a déjà deux volumes d’imprimés ; si la nature veut que je vive encore quelque temps, l’édition sera achevée dans dix-huit mois.