Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4896

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 107-108).

4896. — À M. CATHALA[1].

J’envoie à M. Cathala la requête au roi que je viens de composer. Elle suffit ; s’il est vrai que la veuve Calas, son fils, et Lavaysse, et le malheureux père, ne se sont point quittés depuis ce souper funeste, ce fait seul dit tout. Il ne faut entrer dans aucun détail. Il ne faut que toucher le roi. Ce mémoire peut faire verser des larmes et effrayer les lecteurs. Si. Mme Calas ose le signer, elle est innocente, elle, et son mari, et Pierre, et Lavaysse, Sinon ils sont tous coupables[2].

M. Cathala peut envoyer ce mémoire par la poste à M. Damilaville, premier commis du vingtième. Ne cachetez point le mémoire. Avertissez-le seulement de la demeure de la personne à laquelle il faut le rendre.

Il n’y a qu’à mettre sur un carré de papier : « M. Damilaville est prié d’envoyer ce mémoire à … »

Encore une fois, tout dépend de cette grande vérité : la compagnie est-elle demeurée ensemble dans la même chambre depuis le souper, ou non ?

J’ajoute à mon billet que je crois les Calas innocents, et que les juges ont jugé selon les lois. Calas avait menacé son fils, ce fils est trouvé mort chez le père, des chirurgiens déposent qu’il n’a pu se pendre ; l’arrêt peut n’être point injuste. Voilà pourquoi il est très-important de ne point accuser les juges.

  1. Éditeur, A. Coquerel. — Autographe.
  2. Cette requête ne parut pas telle que Voltaire l’avait écrite. Mme Calas, retirée à la campagne, près de Montauban, cherchait à s’y faire oublier, et ne songeait nullement à demander une réhabilitation qui lui paraissait impossible et qui, sans Voltaire, l’était bien réellement. (Note du premier éditeur.)