Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4951

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 151-152).

4951. — À M. LAVAYSSE PÈRE.
4 juillet.

Les personnes qui protègent à Paris la famille Calas sont très-étonnées que le sieur Gobert-Lavaysse[1] ne fasse pas cause commune avec elles. Non-seulement il a son honneur à soutenir, ses fers à venger, le rapporteur, qui conclut au bannissement, à confondre ; mais il doit la vérité au public, et son secours à l’innocence. Le père se couvrirait d’une gloire immortelle s’il quittait une ville superstitieuse et un tribunal ignorant et barbare.

Un avocat savant et estimé est certainement au-dessus de ceux qui ont acheté pour un peu d’argent le droit d’être injustes ; un tel avocat serait un excellent conseiller ; mais où est le conseiller qui serait un bon avocat ?

M. Lavaysse peut être sûr que s’il perd quelque chose à son déplacement, il le retrouvera au décuple. On répand que plusieurs princes d’Allemagne, plusieurs personnes de France, d’Angleterre, et de Hollande, vont faire un fonds très-considérable. Voilà de ces occasions où il serait beau de prendre un parti ferme, M. Lavaysse, en élevant la voix, n’a rien à craindre ; il fait rougir le parlement de Toulouse en quittant cette ville pour Paris ; et s’il veut aller ailleurs, il sera partout respecté.

Quoi qu’il arrive, son fils se rendrait très-suspect dans l’esprit des protecteurs des Calas, et ferait très-grand tort à la cause, s’il ne faisait pas son devoir, tandis que tant de personnes indifférentes font au delà de leur devoir.

Je prie la personne qui peut faire rendre cette lettre à M. Lavaysse père de l’envoyer promptement par une voie sûre.

  1. Ou mieux Gaubert-Lavaysse.