Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4955

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 154-155).

4955. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 7 juillet.

Mes divins anges, nous ne demandons autre chose au conseil sinon que, sur le simple exposé des jugements contradictoires du parlement de Toulouse, et sur l’impossibilité physique qu’un vieillard faible, de soixante-huit ans[1], ait pendu un jeune homme de vingt-huit ans, le plus robuste de la province, sans le secours de personne, on se fasse représenter la procédure.

À cet effet, un des fils de Calas, qui est chez moi, envoie sa requête à M. Mariette, avocat au conseil, lequel la rédigera ; et nous espérons qu’elle sera signée de la mère.

Nous craignons que le parti fanatique qui accable cette famille infortunée à Toulouse, et qui a eu le crédit de faire enfermer les deux filles dans un couvent, n’ait encore celui de faire enfermer la mère, pour lui fermer toutes les avenues au conseil du roi.

Mais le fils, qui est en sûreté, remplira l’Europe de ses cris, et soulèvera le ciel et la terre contre cette iniquité horrible.

Je répète qu’il est peu vraisemblable que la veuve Calas puisse tirer les pièces de l’antre du greffe de Toulouse, puisqu’il y a des défenses sévères de les communiquer à personne.

Cette seule défense prouve assez que les juges sentent leur faute.

Si, par impossible, les juges ont eu des convictions que les accusés étaient coupables, s’ils n’ont puni que le père, et si, contre les lois, ils ont élargi les autres, en ce cas il est toujours très-important de découvrir la vérité. Il y a d’un côté ou d’un autre le plus abominable fanatisme, et il faut le découvrir.

J’implore M. de Courteilles, uniquement pour que la vérité soit connue ; la justice viendra ensuite.

Tous les étrangers frémissent de cette aventure. Il est important pour l’honneur de la France que le jugement de Toulouse soit ou confirmé ou condamné.

Je présente mon respect à M. et à Mme de Courteilles, à M. et à Mme d’Argental. Cette affaire est digne de toute leur bonté.

  1. Voyez la note, page 91.