Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5097

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 296-297).

5097. — À M. DAMILAVILLE.
Le 30 novembre.

Mon frère, j’ai aussi prouvé par les faits[1], et j’espère que ces faits, rapportés avec fidélité dans l’Essai sur l’Histoire générale, feront plus d’impression sur les esprits bien faits que les détestables sophismes du m… Houteville, de l’Académie française. Ces faits font deviner au lecteur bien des vérités qu’on n’oserait lui dire. Les hommes s’attachent plus aux vérités qu’ils croient avoir découvertes qu’à celles qu’on leur a enseignées. Cette seconde édition pourra faire du bien ; elle est augmentée de plus d’un tiers, et elle est de deux tiers plus hardie. Je vous l’enverrai dès qu’elle sera finie.

Voici, en attendant, un petit article[2] de la lettre M d’un Dictionnaire que j’avais fait pour mon usage ; je le soumets au grand frère Diderot. Ne pourrai-je point avoir quelque article manuscrit du Dictionnaire encyclopédique ?


Nardi parvus onyx eliciat cadum !

(Hor., lib. IV, od. xii, v. 17.)

Je fus bien indigné des articles Âme et Enfer du premier volume ; et c’est cet article Âme, cet article sottement théologique, qu’un Omer accuse de matérialisme. Que ces absurdités me mettent en colère ! Mais, patience ; il faut que la raison soit paisible.

Frère Thieriot m’avait promis de me faire avoir les Dialogues de cet imbécile saint Grégoire le Grand ; c’est un monument de bêtise que je veux avoir dans ma bibliothèque. Thieriot m’abandonne.

J’embrasse mes frères. Renvoyez-moi M, quand les frères l’auront lu.

  1. Allusion au titre de l’ouvrage de l’abbé Houteville : la Vérité de la religion chrétienne prouvée par les faits ; voyez tome XXIII, page 31.
  2. L’article ; Moïse (voyez lettre 5112) du Dictionnaire philosophique de 1764, formant aujourd’hui la 2e section ; voyez tome XX, page 98.