Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5111

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 309-310).

5111. — À M. DEBRUS[1].
Lundi au soir (déc. 25. 1762)[2].

Je fais mon tendre compliment à M. Debrus et à tous nos amis de la liberté que Mlles Calas viennent d’obtenir du roi, par les généreuses sollicitations de Mme la duchesse d’Enville[3].

Voici le mémoire de M. Loyseau. Je n’ai pu l’envoyer plus tôt, parce que tout le monde chez moi l’a voulu lire. Je prie M. Debrus de me le renvoyer, en cas qu’il en ait déjà reçu des exemplaires de Paris. Je tiens le succès de notre cause infaillible : je dis de notre cause, car tous ceux qui aiment Dieu et leur prochain sont de la même religion.

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Date au crayon, probablement exacte. (Note du premier éditeur.)
  3. La duchesse d’Enville, née de La Rochefoucauld, et descendant en ligne directe du second des martyrs de la Saint-Barthélémy, était célèbre par son esprit et par ses relations avec les principaux écrivains de l’époque. Elle vint à Genève pour confier ses enfants au docteur Tronchin et pour accréditer, par son exemple, une invention nouvelle et bienfaisante dont il était le propagateur, l’inoculation. Voltaire prêta sa maison des Délices à Mme d’Enville, et, devenu son hôte, la gagna aux Calas, dont elle voulut être la première bienfaitrice. Son influence fut assez puissante pour contre-balancer celle de M. de Saint-Florentin et lui arracher la délivrance des deux sœurs, après sept mois de captivité (en décembre 1762). Si Mme Calas n’avait laissé voir ses larmes et ses inquiétudes maternelles, qui souvent impatientaient Voltaire, la duchesse n’eût pas pris la peine de vaincre le mauvais vouloir du ministre. Ce qui semblait déraisonnable au vieux philosophe célibataire toucha le cœur maternel de Mme d’Enville : elle avait des filles, et elle put se mettre à la place de Mme Calas. Chacun était dans son rôle. (Note du premier éditeur.)