Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5131

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 329-330).

5131. — À M.  MOULTOU[1].
9 janvier 1763.

Voici, monsieur, un mémoire qu’on m’envoie ; il avait été fait à Toulouse il y a très-longtemps[2]. Je suis bien fâché que les avocats de Paris ne l’aient pas connu. Il y a des choses bien essentielles dont ils auraient fait usage. Votre indignation et votre pitié redoubleront s’il se peut à la lecture de ce mémoire. On est tenté de se faire débaptiser quand on lit les Saint-Barthélemy, les massacres d’Irlande, et l’histoire des Calas[3]. On aurait du moins grande raison de se décatholiciser.

Je vous renvoie la lettre de votre ami, qui me paraît faire peu de cas de l’arithmétique. Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien envoyer le mémoire Calas à M. Debrus, quand vous l’aurez lu.

Vous savez que l’affaire ne sera rapportée que le 8 février. Je ne dormirai point la nuit du 7 au 8.

Mon Dieu, que d’abominations !

Je prends la liberté de vous embrasser de tout mon cœur.

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Ce mémoire pourrait être un de ceux des avocats Sudre et Lavaysse père, en faveur de Jean Calas et du jeune Lavaysse ; mais il est plus probable que c’étaient les Observations publiées par le conseiller au parlement Lasalle, sous le nom du procureur Duroux. (Note du premier éditeur.)
  3. « Voltaire m’écrit que quand on lit les horreurs que le fanatisme a produites, on serait tenté de se débaptiser ; je lui réponds qu’il serait bien mieux de se déshumaniser, car les livres des fondateurs (de l’Église chrétienne) ne respirent que charité, et c’est à l’homme plus qu’au chrétien qu’il faut reprocher les maux dont la religion ne fut jamais que le prétexte. » (Extrait d’une lettre inédite de Moultou.)