Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5132

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 330-331).

5132. — À M.  BERTRAND.
Au château de Ferney, 9 janvier.

Votre Dictionnaire[1] doit faire fortune, mon cher philosophe : il est neuf, il est utile, et il me paraît très-bien fait. Je crois qu’il faudra dorénavant tout mettre en dictionnaires. La vie est trop courte pour lire de suite tant de gros livres. Malheur aux longues dissertations ! Un dictionnaire vous met sous la main, et dans le moment, la chose dont vous avez besoin. Ils sont utiles surtout aux personnes déjà instruites qui cherchent à se rappeler ce qu’elles ont su.

Je vous suis infiniment obligé de votre très-bon livre. Vous pouvez ajouter dans une seconde édition, à l’article Fer, que tous ceux qui ont voulu entreprendre des fabriques de fer fondu avec M. de Réaumur se sont ruinés. Dès qu’il était instruit d’une découverte faite dans les pays étrangers, il l’inventait sur-le-champ. Il avait même inventé jusqu’à la porcelaine. Il faut avouer d’ailleurs que c’était un fort bon observateur.

Vous êtes bien bon de dire que vous ajoutez peu de foi à la baguette divinatoire. Est-ce qu’il y aurait des gens qui y crussent, à Berne ? Pour moi, j’ai beaucoup de foi à toutes vos observations ; j’y ajoute l’espérance de vous revoir quelque jour, et la charité, c’est-à-dire l’amitié qui unit les philosophes : voilà mes trois vertus théologales.

Ne m’oubliez pas, je vous en prie, auprès de M. et de Mme  de Freudenreich.

Votre très-attaché et très-fidèle serviteur.

  1. Dictionnaire universel des fossiles propres et des fossiles accidentels ; 1763, deux volumes in-8o. Un article de Voltaire sur cet ouvrage fut inséré dans la Gazette littéraire du 18 avril 1764 ; voyez cet article, tome XXV, page 166.