Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5182

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 379).

5182. — À M. DAMILAVILLE.
Février.

Mais, mon Dieu, pourquoi un libraire est-il assez imbécile pour avoir son magasin chez lui ? Il était si aisé de dérober une petite brochure[1] aux yeux des infidèles et des fripons !

Voici pour amuser nos frères. Si cela n’est pas bon, du moins cela est gai. Je présume qu’on en donnera à frère d’Alembert. L’hymne est assez plaisant à chanter avec des accompagnements[2].

J’ai actuellement une bibliothèque sur l’abolition de la Société de Jésus. Avant-hier il y avait deux jésuites[3] chez moi avec une nombreuse compagnie ; nous jouâmes une parade, et la voici : j’étais monsieur le premier président, j’interrogeai mes deux moines ; je leur dis : « Renoncez-vous à tous les privilèges, à toutes les bulles, à toutes les opinions, ou ridicules ou dangereuses, que les lois de l’État réprouvent ? Jurez-vous de ne jamais obéir à votre général ni au pape, quand cette obéissance sera contraire aux intérêts et aux ordres du roi ? Jurez-vous que vous êtes citoyens avant d’être jésuites ? Jurez-vous sans restriction mentale ? » À tout cela ils répondirent : « Oui. » Et je prononçai : « La cour vous donne acte de votre innocence présente, et, faisant droit sur vos délits passés et futurs, vous condamne à être lapidés sur le tombeau d’Arnauld avec les pierres de Port-Royal, »

Je salue tous les frères : cependant écr. l’inf…

  1. Ces réflexions sont peut-être à l’occasion d’une édition du Sermon des cinquante ; voyez tome XXIV, page 437.
  2. Hymne chanté au village de Pompignan ; voyez tome X.
  3. Sans doute non compris le Père Adam, car il est question de trois dans la lettre à d’Argental du 25 février.