Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5280

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 467-468).

5280. — À M. PIERRE ROUSSEAU[1].
Aux Délices, 8 mai 1763.

Croyez, monsieur, que je suis très-sensible aux peines que vous éprouvez ; c’est assez le sort des gens de lettres d’éprouver des injustices, je pourrais vous en parler savamment si j’avais de la mémoire. Je n’ai pas eu besoin de mon expérience pour être touché de vos chagrins ; mais, comme je vous l’ai déjà mandé, n’étant instruit qu’en général, je n’ai pu parler qu’en général. On m’a répondu de même[2] on m’a fait entendre que vous aviez des dettes dans le pays où vous êtes ; j’ai su qu’on protégeait infiniment deux personnes à qui l’on fait partager avec vous une partie du produit de votre établissement, que vous aviez à faire à un homme qui demeure dans la maison et au frère d’un colonel fortement recommandé. Je vois avec douleur que des lettres d’un vieux malade comme moi, très-peu connu du seigneur châtelain, ne font pas un grand effet sur des esprits prévenus et qui semblent avoir pris leur parti.

Mais quoi ? n’avez-vous pas parlé vous-même ? n’avez-vous pas représenté vos droits ? ne pouvez-vous pas être le maître d’un établissement que vous avez formé ? n’êtes-vous pas libre ? Je suis assez malheureux pour ne pouvoir vous donner que des mots vagues et pour n’employer que de vaines sollicitations. Je suis persuadé du tort que l’on vous fait comme si on le faisait à moi-même.

Soyez persuadé, etc.

  1. Le mst est à la Bibliothèque royale de Belgique sous le n° 11583. — Communiquée par M. F. Brunetière.
  2. « On m’a mandé que vous aviez promis de ne point porter votre journal ailleurs. » (Note de Voltaire.=