Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5315

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 499-500).

5315. — À M. DAMILAVILLE.
15 juin.

Mon cher frère, il est plus que probable que M. Janel, qui m’a écrit, n’a agi que par des ordres supérieurs, et très-supérieurs. On ne veut pas que certains ouvrages entrent dans Paris ; mais j’ose me flatter qu’on les lit, qu’on en fait son profit en secret, et qu’on est beaucoup plus éclairé et beaucoup plus philosophe que le public ne pense. La preuve en est qu’on est très-loin de persécuter ceux qui ont envoyé ces ouvrages, dans lesquels les honnêtes gens s’éclairent. Il y a des ministres qui sont aussi de très-bons cacouacs. Vous me direz : Comment se sont-ils déclarés, il y a quelques années, contre certains sages ? C’est que ces sages avaient un peu trop effarouché l’amour-propre des grands : c’est qu’ils prêchaient un peu trop l’égalité, laquelle ne peut ni plaire aux grands, ni subsister dans la société.

Il y a donc un maître à danser qui répond à Jean-Jacques[1], et les maîtres en Israël ne lui répondent pas !

Je vous supplie de m’envoyer le projet de finances[2]. Je le trouve ridicule sur l’énoncé ; mais j’aime tout ce qui semble tendre à tort ou à travers au bien de l’État.

Voici deux Meslier que je hasarde sous l’enveloppe de M. de Courteilles et de M. d’Argental. Envoyez-en donc un à M. le comte de Bruc, notre adepte, chez M. le marquis de Rosmadec, rue de Sèvres.

Il ne faut pas mettre la chandelle sous le boisseau[3].

l’Essai sur l’Histoire générale est un énorme ouvrage qui ne peut se débiter qu’avec le temps : une mauvaise farce se vend en deux jours, un bon livre en quatre ans.

Où va frère ambulant et frère dormant Thieriot ? Il me semble qu’il devait loger chez vous.

Et moi, n’aurai-je jamais la consolation de vous posséder ? Je ne l’espère pas tant que vous serez chargé de nos vingtièmes. Écrasez l’infâme.

Pouvez-vous faire parvenir les incluses[4] à frère Helvétius et frère Diderot ? Je suis zélé.

  1. Lettre à M. J.-J. Rousseau, par M. M. (Marcel), 1763, in-8o.
  2. Roussel de La Tour, conseiller au parlement, publia, sous le titre de Richesse de l’État, huit pages in-4o qu’il faisait distribuer. Ce petit écrit donna naissance à beaucoup d’autres. Roussel lui-même publia un Développement du plan intitulé Richesse de l’État, in-8o de 24 pages. Le Journal encyclopédique du 15 mai 1763 donna un extrait de l’ouvrage de Roussel, qui prétendait élever le revenu de l’État à 740 millions. Grimm en parle aussi longuement à la date du 1er juillet 1763.
  3. Matthieu, v, 15.
  4. Il se pourrait que ce fût la lettre datée du 2 juillet (n° 5332), et qui parait avoir été adressée à Helvétius et à Diderot.