Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5460

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 33-34).

5460. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL[1].
De Sibérie, le 17 novembre.

Mes divins anges, vous devez avoir reçu un petit livre intitulé la Tolérance, lequel j’ai grande envie que vous tolériez. Je viens d’en envoyer un autre à M. le duc de Praslin, non pas à lui directement, mais à vous sous son enveloppe, et à vous sans cachet ; et je vous dis, dans un petit billet : Engagez M. le duc de Praslin à lire cet ouvrage, s’il en a le temps. Il est, à la vérité, prodigieusement théologique ; mais il est honnête, et il y a des choses qu’un ministre doit lire.

Tandis que vous étiez à Fontainebleau, je n’en savais rien, et j’envoyais toujours mes paquets sous le nom de M. de Courteilles. Il y en avait un pour M. Damilaville qui m’inquiète beaucoup ; il contenait un mémoire pour M. Mariette : il s’agissait de ma dîme, la chose presse, attendu que la Saint-Martin est arrivée, et que les prêtres poursuivent au parlement de Dijon. Vous savez que la lettre de M. le duc de Praslin, au nom du roi, ne réussira pas auprès de Messieurs : ils connaissent peu les lettres des ministres ; il leur faut des lettres patentes. J’ai toujours prévu que je serais obligé de poursuivre cette affaire litigieusement au conseil des dépêches, et je compte toujours sur les bontés de M. le duc de Praslin dans ce tribunal.

Permettez-moi de vous demander des nouvelles de votre conspiration[2]. Est-elle en bonne main ? Avez-vous bien posté vos assassins ? Avez-vous fait jouer vos ressorts ? Avez-vous mis le feu aux poudres ? Y a-t-il quelque chose de nouveau dans le tripot ?

Respect et tendresse.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Pour le Triumvirat.