Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5473

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5473. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
6 décembre.

Mes divins anges sauront qu’un jeune M. Turrettin devait leur apporter des Tolérance, il y a environ quinze jours ; que ce jeune Turrettin, d’ailleurs fort aimable, s’est arrêté à Lyon, et qu’il n’arrivera avec son paquet que dans quelques jours.

Je crois avoir dit à mes anges que cette petite requête de l’humanité et de la raison avait fort bien réussi auprès de Mme de Pompadour et M. le duc de Choiseul[1] : c’est pourtant un ouvrage bien théologique, bien rabbinique. Mais comme il ne faut pas être toujours enfoncé dans la Sainte Écriture, vous aurez des contes[2] tant que vous en voudrez ; vous n’avez qu’à dire.

Faites-moi donc un peu part de votre conspiration. Vous me traitez comme Léontine et Exupère en usent avec Héraclius ; ils font tout pour lui, et ne lui en disent pas un mot. Mais c’est, à mon sens, un grand défaut, dans Héraclius, que ce prince reste là pendant cinq actes comme un grand nigaud, sans savoir de quoi il s’agit. Mais je m’en remets entièrement à ma Léontine et à mon Exupère, et je vous donne même la préférence sur ces deux personnages.

Nous sommes enterrés sous la neige ; c’est le temps de s’égayer, car la nature est bien triste. Je tâche de m’amuser et d’amuser mes divins anges. Je baise le bout de leurs ailes avec la plus grande dévotion.

  1. Voyez la lettre 5456.
  2. Voltaire envoya successivement Ce qui plait aux Dames, l’Education d’une fille, l’Education d’un prince, etc.