Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5474

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 41-42).

5474. — À M. DAMILAVILLE.
6 décembre.

Je croyais que vous aviez des Tolérance, mon très-cher frère. Un jeune M. Turrettin, de Genève, s’est chargé d’un paquet pour vous. Il est digne de voir les frères, quoiqu’il soit petit-fils d’un célèbre prêtre de Baal. Il est réservé, mais décidé, ainsi que sont la plupart des Genevois. Calvin commence dans nos cantons à n’avoir pas plus de crédit que le pape. Le bon grain lève de tous côtés, malgré l’abominable ivraie qui couvre nos campagnes depuis si longtemps.

Vous avez sans doute vu la petite Lettre du Quaker[1]. Je connaissais depuis longtemps le livre attribué à Saint-Évremont[2]. Ce n’est pas assurément son style, et Saint-Évremont d’ailleurs n’était pas assez savant pour composer un tel ouvrage. Il est de Dumarsais ; mais il est fort tronqué et détestablement imprimé. Quand trouvera-t-on quelque bonne âme qui donne une jolie édition du Meslier, du Sermon, et du Catéchisme de l’Honnête Homme ? Ne pourrait-on pas en faire tenir, sans se compromettre, au bon Merlin ? Je ne voudrais pas qu’un de nos frères hasardât la moindre chose ; mais quand on peut servir son prochain sans risque, on est coupable devant Dieu de se tenir les bras croisés.

Il doit vous arriver une Tolérance par une autre voie que celle que je prends pour vous écrire. Je suis zélé ; mais j’aime à prendre quelques petites précautions, afin de ne point donner d’ombrage à la poste par de trop gros paquets portant le timbre de Genève. On dit que toutes les affaires financières et parlementaires vont s’arranger.

Dieu soit béni !


Et vive le roi, et Pompignan !


Écr. l’inf…

  1. Tome XXV, page 5.
  2. L’Analyse de la Religion chrétienne ; voyez la note, tome XVIII, page 261.