Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5513

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Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 77-78).

5513. — À M.  DAMILAVILLE.
7 janvier.

Gabriel ne tâtera plus de mes contes, ils ne courront plus Paris. Ces petites fleurs n’ont de prix que quand on ne les porte pas au marché ; mon cher frère a raison.

J’ai été enchanté du discours de M. Marmontel, quoiqu’il y ait un endroit qui m’ait fait rougir. Il a pris, avec une habileté bien noble et bien adroite, le parti de nos frères contre les Pompignan. Tout annonce, Dieu merci, un siècle philosophique ; chacun brûle les tourbillons de Descartes avec l’Histoire du peuple de Dieu, du frère Berruyer. Dieu soit loué !

Il y a longtemps que je n’ai reçu de lettres de M. et de Mme  d’Argental. Je ne sais plus de nouvelles ni des belles-lettres, ni des affaires. Frère Thieriot écrit quatre fois par an, tout au plus. On me dit que le parlement de Grenoble est exilé. Le roi paraît mêler à sa bonté des actions de fermeté : d’un côté, il cède à ce que les remontrances des parlements peuvent avoir de juste ; de l’autre, il maintient les droits de l’autorité royale. Je crois que la postérité rendra justice à cette conduite digne d’un roi et d’un père.

On m’assure toujours que le mandement de l’archevêque de Paris est imprimé clandestinement, et qu’on en a vu plusieurs exemplaires. Si vous pouvez, mon cher frère, me procurer une de ces Instructions pastorales[1] et un Anti-financier[2], vous me soulagerez beaucoup dans ma misère. Je suis entouré de frimas, accablé de rhumatismes. Mes yeux vont toujours fort mal ; mais je me ferai lire ces deux ouvrages, que j’attends avec impatience de vos bontés fraternelles.

Je ne sais rien de nouveau non plus du théâtre ; mais ce qui me touche le plus, c’est le beau projet que Dieu vous a inspiré, à vous et à vos amis, et ce beau projet est… Écr. l’inf…

  1. Voyez la note 4, pape 66.
  2. Voyez la note 1, page 58.