Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5625

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5625. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 23 avril.

Quoique Mme de Pompadour eût protégé la détestable pièce de Catalina[1], je l’aimais cependant, tant j’ai l’âme bonne ; elle m’avait même rendu quelques petits services ; j’avais pour elle de l’attachement et de la reconnaissance ; je la regrette, et mes divins anges approuveront mes sentiments. Je m’imagine que sa mort produira quelque nouvelle scène sur le théâtre de la cour ; mes anges ne m’en diront rien, ou peu de chose. Olympie est morte pour Versailles, et je pense que Mlle Clairon veut l’enterrer aussi à Paris. Elle est comme César ; elle ne veut point du second rang, et préfère sa gloire aux intérêts de sa patrie. Tout le monde doit se rendre à des sentiments si nobles.

J’envoie à mes anges, pour leur divertissement, un petit extrait qui peut être inséré dans la Gazette littéraire, pour laquelle ils m’ont inspiré un grand intérêt. J’espère que leur protection y fera insérer ce mémoire, quand même les auteurs auraient déjà parlé du sujet. Je me résigne à la volonté de Dieu sur toutes les choses de ce monde, et particulièrement sur les droits des pauvres terres du pays de Gex. Je tremble d’être obligé de plaider à Dijon : je demande en grâce à mes anges de me dire bien nettement à quoi je dois m’attendre. Les bontés de M. le duc de Praslin me sont encore plus chères que mes dîmes ; et cependant mes dîmes me tiennent terriblement à cœur. Mes divins anges, priez pour nous en ce saint temps de Pâques.

Je reconnais la bonté de mes anges à ce qu’ils font pour Pierre Corneille. Je crois qu’on peut donner quelques exemplaires à Lekain, et qu’on ne peut mieux les placer, quoique dans mes remarques je condamne quelquefois les comédiens, qui mutilent les pauvres auteurs.

  1. Par Crébillon ; voyez tome XXIV, page 359.