Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5786

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5786. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
10 octobre.

Mon cher frère en Bayle, en Descartes, Lucrèce, etc., continuez à faire tout le bien que vous pourrez dans votre province ; soyez le digne vicaire du curé Meslier. Si vous aviez pu distribuer à vos voisins les trois cents jambons qu’il a laissés à sa mort, vous leur auriez fait faire une excellente chère. Il est bon de manger des truites, mais vous savez qu’il faut aussi une autre nourriture.

Il est venu des adeptes immédiatement après votre départ ; ils cultiveront la vigne du Seigneur d’un côté, tandis que vous la provignerez de l’autre, et Dieu bénira vos soins. Ma santé s’affaiblit tous les jours ; mais je mourrai content si j’apprends que vous servez tous les jours sur votre table de ces bons jambons du curé. Cette nouvelle cuisine est très-saine ; elle ne donne point d’indigestion, elle ne porte point au cerveau des nuages comme l’ancienne cuisine. Je suis persuadé que vous aurez toujours beaucoup de convives, et que vous n’admettrez pas les sots à vos festins.

Mille respects à tout ce qui vous environne ; je mets à la tête madame votre femme et monsieur votre frère.