Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5806

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Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 362-363).

5806. — À M.  LE C OMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 29 octobre.

J’écris aujourd’hui à mon ange comme un ange de paix. Nous sommes voisins d’un commandeur de Malte, Savoyard de nation, chicaneur de profession. Une partie des terres de la commanderie est enclavée dans celle de notre gendre Dupuits. Le père de notre gendre, par convenance, s’était chargé de l’administration de la commanderie. Le bail est rompu ; le commandeur assigne notre gendre par-devant le grand-conseil à Paris.

J’ai écrit à monsieur l’ambassadeur de Malte[1] pour le supplier d’engager le commandeur savoyard à s’en remettre à des arbitres. Nous avons M. le bailli de Groslier, dans le voisinage, qui peut être arbitre au nom de l’ordre ; et M. le marquis de Billac, l’un des plus honnêtes hommes du monde, serait nommé par notre gendre, qui a promis d’en passer par leur sentence.

M. le bailli de Froulai m’a mandé qu’il consulterait mon ange, et certainement il ne peut pas mieux faire ; quel autre consulterait-on quand il s’agit de faire du bien ?

Je crois que j’ai pris trop d’alarmes sur ce livre misérablement imprimé, qu’on sait bien ici être de plusieurs mains ; mais le pauvre Montpéroux n’a pas joué un beau rôle dans cette affaire[2].

On dit Lekain malade. On m’a parlé d’un acteur, nommé Aufresne[3], qu’on dit très-bon ; il est à la Haye. Je l’ai entendu il y a six ou sept ans ; il me parut alors n’avoir de défaut que celui de jouer tout. On dit qu’il s’en est corrigé. En ce cas, ce serait une bonne acquisition pour le tripot, que Dieu bénisse ! et que je ne peux plus servir.

Je me mets bien humblement à l’ombre des ailes de mon ange.

  1. L.-G. de Froulay ; voyez tome XXXIII, page 499.
  2. Voyez page 356.
  3. Voyez tome XLI, page 274.