Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5868

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Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 425).

5868. — À M.  DAMILAVILLE.
4 janvier.

Vraiment, mon cher frère, la lettre dont vous m’avez envoyé copie n’est pas une lettre de Pline, et les vers qui la paraphrasent ne sont pas de Catulle. Tout cela, en vérité, est de même parure, et digne du siècle.

Il est vrai que Jean-Jacques écrit mieux ; mais, en vérité, c’est un homme d’esprit qui se conduit comme un sot. Toutes les apparences sont qu’on le fera repentir d’avoir voulu mettre le feu dans la parvulissime qu’il a quittée. Vous avez vu, par ma dernière lettre[1], combien il est méchant. Je ne reviens point de mon étonnement qu’un homme, qui s’est dit philosophe, joue publiquement le rôle d’un délateur et d’un calomniateur. Vous m’avez incendié, dit-il ; incendiez donc aussi mon confrère : j’ai fait mal, mais il a fait pis. Ce n’est pas ainsi, ce me semble, que Socrate parlait aux Athéniens. Je vois que le grand défaut de Jean-Jacques est d’être enragé contre le genre humain : il a là une bien vilaine passion.

Je suis toujours bien surpris que vous n’ayez pas reçu encore le paquet du médecin anglais. J’espère qu’il ne tardera pas, et que vous en aurez d’autres incessamment. Omer est longtemps à s’échafauder : je ne désespère pas que Jean-Jacques ne lui écrive pour le prier de se hâter un peu.

Vous devez à présent avoir reçu des nouvelles de la Destruction de Jérusalem[2], avec une petite lettre[3] pour Archimède-Protagoras.

Je vous embrasse en 1765 comme en 1764.

  1. 5862.
  2. Voltaire désigne ainsi l’écrit de d’Alembert, Sur la Destruction des jésuites.
  3. La lettre 5858.