Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5966

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Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 508-509).
5966. — À M.  LE COMTE DE LA TOURAILLE.
Au château de Ferney, le 29 mars.

Vous en avez usé avec moi, monsieur, comme une jeune coquette qui se pare de tous ses charmes pour séduire un pauvre vieillard à qui elle donne des désirs inutiles. Vous m’avez cajolé, vous m’avez envoyé de jolis vers ; mais je répondrai à votre muse agaçante :


Quand onVos jeunes attraits, vos œillades,
Quand onNe me rendront pas mon printemps.
Quand on a parcouru dix-huit olympiades,
L’esprit et son étui sont minés par les ans ;
Quand onOn ne fait plus de vers galants,
Ou, si l’on en veut faire, ils sont ou durs ou fades.
Des neuf savantes sœurs j’ai force rebuffades ;
Quand onDu cheval ailé, des ruades ;
Quand onEt des sourires méprisants
Quand onDes belles dames à passades.
Condé même, Condé, qui, par tant d’estocades.
Égala, jeune encor, les héros du vieux temps,
Et qui dans l’art de vaincre a peu de camarades,
Exciterait en vain mes efforts languissants.
Irai-je répéter, dans de froides tirades,
Ce qu’on a dit cent fois des illustres parents
Dont la gloire avec lui faisait des accolades
Quand onAux campagnes des Allemands ?
Qu’il soit chanté par vous, par tous vos jeunes gens,
Quand onEt non pas par de vieux malades.