Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6048
Mon cher philosophe, je suis plus indigné que vous, parce que je sais mieux que vous tout ce que vous valez. Il y a injustice, ingratitude, ridicule, le tout au premier degré, à refuser une modique pension[1], patrimoine d’académie ; et à qui ? à celui qui a refusé cent mille livres d’appointements, pour continuer à faire honneur à sa patrie. Je ne crois pas que vous soyez éconduit. Les hommes ont encore un petit reste de pudeur. Vous voyez qu’on ne donne point votre pension à d’autres ; on vous fait donc seulement attendre : on veut peut-être que vous fassiez quelque démarche. Je vous demande en grâce de me mander où vous en êtes. Ayez la honte de donner votre lettre à M. de Villette ; c’est un de nos plus aimables frères, ami éclairé de la bonne cause, et sentant tout votre mérite. C’en serait trop, mon cher philosophe, si les sages avaient contre eux les prêtres et les ministres. Nous avons besoin des hommes d’État pour nous défendre contre les hommes de Dieu. Je ne vous dis pas cela en l’air ; il y a du temps que j’ai de très-bonnes raisons de penser ainsi. Mandez-moi, je vous prie, tout ce que vous avez sur le cœur, attendu que le mien est à vous. Recommandez-moi aux prières de nos frères, Ècr. l’inf…