Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6029

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Correspondance de Voltaire/1765
Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 566-567).

6029. — À M. D’ALEMBERT.
À Genève, 27 mai.

J’ai eu l’honneur de voir M. de Valbelle, mon cher Archimède ; il est bien aimable, comme vous dites. Je ne savais point que l’autre Archimède-Clairaut fût gourmand, et que des indigestions l’eussent tué[1] : ce n’est point ainsi que doit mourir un philosophe. Sa pension vous est dévolue de droit. Peut-être avez-vous quelques ennemis qui vous ont desservi ; je n’en suis point du tout surpris. J’ai des ennemis aussi, moi qui ne vous vaux pas. On m’a dit que l’Académie des sciences, en corps, demande cette pension pour vous ; c’est une démarche qui vous honore autant que vos confrères. Vous me ferez grand plaisir de m’en apprendre le succès, soit par un petit mot de votre main, soit par votre digne ami.

On m’a fait accroire que Mlle Clairon pourrait venir consulter Tronchin ; en ce cas, il faudra que je fasse rebâtir mon théâtre ; mais je suis devenu si vieux que je ne peux plus même jouer les rôles de vieillard. D’ailleurs les tracasseries qu’on me fait continuellement m’ont rendu la voix rauque :


..........Lupi Mœrim videre priores.

(Virg., écl. ix, v. 54.)

Je crois que si Clairaut est allé voir Newton, j’irai bientôt faire très-humblement ma cour à Milton. En attendant, je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. Le 17 mai 1765.