Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6078
Je vous présente, mon cher ami, un des enfants de Mme Calas, une victime innocente échappée au fanatisme, et vengée par l’Europe entière : il va en Allemagne pour son commerce. Leurs Altesses électorales[1] voudront peut-être le voir. Je vous supplie de lui rendre tous les services qui dépendront de vous. Il vous dira le triste état où il m’a vu. Si je n’étais pas toujours dans mon lit, je serais assurément à Schwetzingen, aux pieds de monseigneur l’électeur. Milord Abingdon[2] a dû lui rendre compte de mes souffrances et de mes regrets.
Mlle Clairon est chez moi ; elle joue sur mon théâtre, que j’ai rebâti pour elle : mais à peine puis-je me traîner pour l’aller entendre, et à peine mes yeux peuvent-ils la voir. Parlez-moi des plaisirs de votre cour pour me consoler ! Je vous embrasse bien tendrement.