Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6142

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Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 93-94).

6142. — À M.  L’ABBÉ DE VOISENON[1].
À Ferney, le 28 octobre.

J’avais un arbuste inutile
Qui languissait dans mon canton ;
Un bon jardinier de la ville
Vient de greffer mon sauvageon.
Je ne recueillais de ma vigne
Qu’un peu de vin grossier et plat ;
Mais un gourmet l’a rendu digne

Du palais le plus délicat.
Ma bague était fort peu de chose ;
On la taille en beau diamant :
Honneur à l’enchanteur charmant
Qui fit cette métamorphose !


Vous sentez bien, monsieur l’évêque de Montrouge, à qui sont adressés ces mauvais vers. Je vous prie de présenter mes compliments à M. Favart, qui est un des deux conservateurs des grâces et de la gaieté françaises. Comme il y a environ dix ans que vous ne m’avez écrit, je n’ose vous dire : Ô mon ami ! écrivez-moi ; mais je vous dis : Ah ! mon ami, vous m’avez oublié net.

  1. Le conte de Voltaire intitulé l’Éducation d’une fille (voyez tome X) avait fourni à Favart le sujet d’Isabelle et Gertrude ou les Sylphes supposés, comédie en un acte, mêlée d’ariettes, jouée sur le théâtre des Italiens, le 14 août 1765, imprimée la même année. La pièce est dédiée à Voisenon, qui en avait envoyé un exemplaire à Voltaire. On prétendait que l’abbé était le principal auteur de plusieurs des pièces qui étaient données par Favart ou par Mme  Favart ; tandis qu’il a été seulement collaborateur, et pour peu de chose, au Jardinier supposé, à l’Amitié à l’épreuve, à la Fee Urgèle et aux Moissonneurs. La réponse de Voisenon à Voltaire est sous le n° 6151.