Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6150

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 104-105).

6150. — À M. D’ALEMBERT.
À Ferney, 9 novembre.

Vous avez dû recevoir la lettre où je vous parlais de la souscription des Calas ; on m’a envoyé de plusieurs endroits le discours prétendu de M. de Castilhon. Je ne peux croire qu’un magistrat ait prononcé un discours si peu mesuré. Il y a des choses vraies : ou aura sans doute brodé le fond. Trop de véhémence nuit quelquefois à la meilleure cause ; et, comme dit fort bien Arlequin, le lavement trop chaud rejaillit au nez de celui qui le donne.

M. Tronchin n’a point reçu de courrier de Fontainebleau, comme on le disait, et je vois toujours qu’on fait monsieur le dauphin plus malade qu’il ne l’est. Le public est exagérateur, et ne voit jamais en aucun genre les choses comme elles sont. Il est vrai que les médecins en usent de même, ainsi que les théologiens. La plupart de ces messieurs ne voient la vérité ni ne la disent.

Si vous voyez M. Thomas, je vous prie de l’assurer que je lui ai dit la vérité quand je lui ai écrit[1]. Mme la duchesse d’Enville m’a fait l’honneur de me parler de la lettre d’un évêque grec[2] ; je ne l’ai point encore vue ; c’est apparemment quelque plaisanterie, car tout est à la grecque à présent. L’impératrice de Russie m’a envoyé une belle boîte d’or tout à la grecque.

Adieu, mon cher ami : je suis accablé de lettres cette poste.

  1. Lettre 6117.
  2. Mandement du révérendissime Père en Dieu Alexis, tome XXV, page 345.