Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6297

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 248-249).

6297. — À M. LE CHEVALIER DE TAULÈS[1],
SECRÉTAIRE D’AMBASSADE À GENÈVE.
À Forney, 19 mars, par la commodité de M. Souchai,
marchand de drap, au Lion d’or, à Genève.

Quand je n’avais que soixante ans, monsieur, vous m’auriez vu venir à cheval au-devant de monsieur l’ambassadeur ; mais j’en ai soixante-douze passés, et il y a plus d’un an que je ne suis pas en état de sortir de ma chambre ; je m’adresse à vous hardiment pour faire agréer mes excuses et mon respect. Je prends cette liberté avec vous, parce que je vous ai obligation. On m’a dit, monsieur, que c’est à vous que je dois quelques anecdotes tirées du dépôt des affaires étrangères : de plus, M. de Chabanon, qui est très-véridique, m’assure que vous m’honorez de quelque bonté ; je vous supplie de me la conserver, et de me procurer celle de Son Excellence. Si j’avais de la santé, je viendrais vous présenter cette double requête, et vous assurer des sentiments respectueux avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.
gentilhomme ordinaire du roi.

M. de Chabanon dit encore que vous daignerez venir dans ma cabane, quand vous serez las de vous crever à Genève. Gardez-vous bien de me faire cet honneur avant deux heures. Demandez à M. Hennin.

  1. Le chevalier de Taulès, né en Béarn, était entré, en 1754, dans les gendarmes de la garde du roi, et quelques années après dans les bureaux des affaires étrangères. Il fut, en 1766, nommé secrétaire auprès de M. de Beauteville, qui avait été nommé médiateur, au nom de la France, dans les querelles de Genève. Il eut depuis différentes missions. Mais sa santé le força, en 1779, à demander sa retraite. Il est mort en 1820, laissant en manuscrit un ouvrage sur l’Homme au masque de fer, qui a été publié en 1825, in-8o. (B.)