Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6355
Voici le temps, mon cher ami, où j’éprouve les regrets les plus vifs. Mon cœur me dit que je devrais être à Schwetzingen, et aller voir tantôt votre belle bibliothèque, tantôt votre cabinet d’histoire naturelle. Mais il y a deux ans que je ne sors plus de ma chambre, et c’est beaucoup que je sorte de mon lit.
La fin de ma vie est douloureuse : ma consolation est dans les bontés de monseigneur l’électeur, dont je me flatterai jusqu’au dernier moment.
Il y a longtemps que vous ne m’avez écrit. Votre bonheur est apparemment si uniforme que vous n’avez rien à m’en apprendre de nouveau. Votre cour est gaie et tranquille ; il n’en est pas de même à Genève. Votre auguste maître sait rendre ses sujets heureux, et les Genevois ne savent pas l’être. Il est plaisant qu’il faille trois puissances[1] pour les accommoder au sujet d’une querelle d’auteur. Leurs tracasseries m’ont amusé d’abord, et ont fini par m’ennuyer.
Adieu, mon ami ; portez-vous mieux que moi, et aimez-moi.
- ↑ La France, le canton de Berne, et celui de Zurich.