Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6475
Je vous envoie donc, mon cher ami, les lettres[1] très-ennuyeuses, écrites, il y a vingt-deux ans, par un polisson. Ces lettres ne prouvent autre chose, sinon qu’il était alors un mauvais valet, et qu’il a toujours été ingrat et orgueilleux.
Je vous supplie de me renvoyer ces lettres le plus tôt que vous pourrez, non-seulement parce qu’elles me sont nécessaires, mais parce qu’on m’a fait promettre de ne m’en point dessaisir.
Il est triste qu’un pareil homme ait écrit cinquante bonnes pages[2]. Cela fait souvenir d’un fripon qui, ayant ouvert un bon avis dans Athènes, fut déclaré indigne de bien penser ; et on fit proposer son avis par un homme de bien.
Mais vous savez que j’ai de plus grands sujets de chagrin que ceux qui peuvent venir de Jean-Jacques. Les sottises de cet animal ne sont que ridicules ; mais je ne reviens point des choses affreuses. Ma tristesse augmente, et ma santé diminue tous les jours ; je mourrai avec la douleur de voir les hommes devenir tous les jours plus méchants. Votre amitié vertueuse fait ma consolation.
Vous croyez bien que j’attends vos deux Hollandais[3] avec quelque impatience.