Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6475

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 402-403).
6475. — À M. DAMILAVILLE.
29 auguste.

Je vous envoie donc, mon cher ami, les lettres[1] très-ennuyeuses, écrites, il y a vingt-deux ans, par un polisson. Ces lettres ne prouvent autre chose, sinon qu’il était alors un mauvais valet, et qu’il a toujours été ingrat et orgueilleux.

Je vous supplie de me renvoyer ces lettres le plus tôt que vous pourrez, non-seulement parce qu’elles me sont nécessaires, mais parce qu’on m’a fait promettre de ne m’en point dessaisir.

Il est triste qu’un pareil homme ait écrit cinquante bonnes pages[2]. Cela fait souvenir d’un fripon qui, ayant ouvert un bon avis dans Athènes, fut déclaré indigne de bien penser ; et on fit proposer son avis par un homme de bien.

Mais vous savez que j’ai de plus grands sujets de chagrin que ceux qui peuvent venir de Jean-Jacques. Les sottises de cet animal ne sont que ridicules ; mais je ne reviens point des choses affreuses. Ma tristesse augmente, et ma santé diminue tous les jours ; je mourrai avec la douleur de voir les hommes devenir tous les jours plus méchants. Votre amitié vertueuse fait ma consolation.

Vous croyez bien que j’attends vos deux Hollandais[3] avec quelque impatience.

  1. Les lettres de Rousseau à M. du Theil, dont un extrait est tome XXVI, page 41.
  2. La Profession de foi du Vicaire savoyard, qui fait partie du troisième livre d’Émile.
  3. Probablement le Recueil nécessaire (voyez lettre 6473.