Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6688

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 58-59).
6688. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[1].
À Ferney, 19 janvier 1767.

Monsieur, il y a environ six semaines que j’ai reçu cent bouteilles de vin sans aucun avis, et comme nous sommes bloqués actuellement de tous côtés par les soldats[2]2 et par les neiges, il ne m’est pas possible de savoir d’où ce vin nous est venu. Je soupçonne que c’est vous qui me l’avez envoyé, et je voudrais savoir ce que je vous dois. Plût à Dieu que votre bonté pût dous consoler dans la disette extrême où nous sommes de tout ce qui est nécessaire à la vie ; nous manquons de tout sans aucune exagération. Nous sommes précisément à Ferney comme dans une ville assiégée. Je ne m’attendais pas à soutenir ici les horreurs de la guerre dans mes derniers jours. Cela serait bien plaisant, si cela n’était pas insupportable.

Je vous supplie de me mettre aux pieds de Mme Le Bault, de monsieur le premier président, et de monsieur le procureur général.

J’ai l’honneur d’être, avec bien du respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.

  1. Éditeur, de Mandat-Grancey. — Dictée, par Voltaire, signée par lui.
  2. À cause des troubles civils de Genève, la France avait fait occuper militairement la frontière.