Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6717

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 86-87).
6717. — À M. L’ABBÉ D’OLIVET[1].
4 février 1767.

Bonjour, bon an, ou plutôt bonjour, bon siècle, car vous ferez le tour du cadran, comme Fontenelle et Saint-Aulaire.


Nous avons à l’Académie
Des gens qui bravent les hivers.
Pour eux la mort s’est endormie
En lisant leur prose ou leurs vers.

Vous, vous avez charmé la Parque
Par votre esprit, il m’en souvient.
Moi, je pose un pied sur la barque,
Mais votre lettre me retient.

Je suis au haut d’un mont sauvage,
Où se confinent les autans.
Mais votre amitié du bel âge
Me ramène encore un printemps.
 
Vous parlez toujours comme Horace,
Vous avez trouvé le vrai bien.
Pourquoi faut-il qu’on s’embarrasse
Du vain bruit qui ne donne rien ?

La gloire n’est qu’une importune
Qui fait ombre à notre bonheur,
L’amour ne fait jamais fortune,
Et l’esprit appauvrit le cœur.


Vous avez raison ; les hommes ne valent pas la peine qu’on perde une seconde pour eux, et si vous n’étiez plus de ce monde, je ne croirais plus à rien.

Je vous embrasse tendrement, et je veux toujours me dire votre disciple. V.


  1. Dernier Volume des Œuvres de Voltaire ; Paris, 1862.