Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6792

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 160-161).
6792. — À M. CHRISTIN.
14 mars.

Le diable est déchaîné, mon cher ami ; et quand on n’est pas aussi fort que l’archange Michel, qui le battit si bien, il faut faire une honnête retraite. Il est très-prudent à vous de ne point envoyer à Dijon des armes offensives qui pourraient tomber entre les mains des ennemis ; il faut attendre qu’il y ait une trêve, pour avoir des correspondances sûres.

Je trouve qu’on fait beaucoup d’honneur au parlement de Besançon, en avouant qu’il n’est pas persécuteur ; mais je crois qu’on se trompe en regardant comme tel le parlement de Dijon. J’espère que Fantet[1] y sera traité aussi favorablement qu’il l’aurait été dans votre province.

J’écrirai à des amis qui prendront sa défense ; avertissez-moi quand Fantet sera à Dijon, et quand il faudra agir ; j’y mettrai tout mon savoir-faire. J’ai la main heureuse ; l’affaire des Sirven prend le train le plus favorable ; et, quoi qu’on en dise et quoi qu’on fasse, la raison et l’humanité l’emportent sur le fanatisme. Puisse la France imiter bientôt la Russie et la Pologne. L’impératrice de Russie et le roi de Pologne me font l’honneur de m’écrire de leur main qu’ils font tous leurs efforts pour établir la plus grande tolérance dans leurs États ; ils poussent l’un et l’autre la bonté jusqu’à me dire que mes faibles écrits n’ont pas peu contribué à leur inspirer ces sentiments. Ma patrie ne va pas encore jusque-là ; mais la dernière aventure du bureau de Collonges[2] prouve assez les progrès de la raison.

Tâchez de faire parvenir des Honnêtetés[3] à M. Le Riche, et quelques Questions[4].

Mille tendres amitiés.

  1. Libraire de Besançon, poursuivi juridiquement pour avoir vendu quelques ouvrages philosophiques.
  2. L’affaire Le Jeune.
  3. Les Honnêtetés littéraires ; voyez tome XXVI, page 115.
  4. Les Questions de Zapata ; voyez tome XXVI, page 173.