Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7013

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 374-375).
7013. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 13 septembre.

Vous me pardonnerez, monseigneur, si je me sers d’une main étrangère ; ma fièvre ne me permet pas d’écrire. Vous me pardonnerez encore si je vous importune si souvent pour les affaires de Galien ; mais il faut que mes comptes soient apurés avant que je meure. Il m’est venu voir aujourd’hui avec deux seigneurs espagnols qu’il m’a amenés. Je lui ai demandé s’il n’avait point encore quelques dettes, et il m’a donné le petit mémoire ci-joint ; de sorte que tout se monte à la somme de 881 livres 18 sous. Ainsi donc, monseigneur, ce jeune homme vous coûtait par an 1,200 livres, indépendamment de sa nourriture et des autres choses nécessaires. Il y a très-peu de personnes qui en fissent davantage pour leur fils. Ses dépenses me paraissent exorbitantes pour un jeune homme que vous avez si bien équipé quand vous me l’envoyâtes. Je n’ai cessé de lui recommander la plus grande retenue ; mais je vois qu’il a usé largement de vos bontés. Il faut avouer pourtant qu’il a mis de la discrétion dans sa magnificence : car, à l’abri de votre protection et de votre nom, il aurait pu prendre dix mille francs chez les marchands ; on ne lui aurait rien refusé. Vous voilà heureusement débarrassé de ce fardeau, sans qu’il puisse être dégagé de la reconnaissance éternelle qu’il vous doit.

Il ne me reste, monseigneur, que d’attendre vos ordres, et de vous supplier de me continuer vos bontés pour le peu de temps que j’ai encore à en jouir.