Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7036

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 395-396).
7036. — À M. MARMONTEL[1].
4 octobre.

Mon cher ami, tandis que vous imprimez l’éloge de Henri IV sous le nom de Charlot, on l’a rejoué à Ferney mieux qu’on ne le jouera jamais à la Comédie. Mme Denis m’a donné, en présence du régiment de Conti et de toute la province, la plus agréable fête que j’aie jamais vue. Les princes en peuvent donner de plus magnifiques ; mais il n’y a point de souverain qui en puisse donner de plus ingénieuses.

J’attends avec impatience le recueil qui achève d’écraser les pédants de collège. Savez-vous bien que l’impudent Coger a eu l’insolence et la bêtise de m’écrire ? J’avais préparé une réponse qu’on trouvait assez plaisante ; mais je trouve que ces marauds-là ne valent pas la plaisanterie : il ne faut pas railler les scélérats, il faut les pendre. Voici donc la réponse que je juge à propos de faire à ce coquin[2]. Il m’est très-important de détromper certaines personnes sur le Dictionnaire philosophique, que Coger m’impute. Vous ne savez pas ce qui se passe dans les bureaux des ministres, et même dans le conseil du roi, et je sais ce qui s’y est passé à mon égard.

Je pense que l’enchanteur Merlin peut bien me rendre le service d’imprimer la réponse à Coger, et vous pourrez la faire circuler pour achever d’anéantir ce misérable.

Je recommande toujours une faible édition de Charlot, afin qu’on puisse corriger dans la seconde ce qui aura paru défectueux dans la première. Il se peut très-bien faire que des Welches, qui ont applaudi depuis trois ans à des pièces détestables, se révoltent contre celle-ci. Il y a plus de goût actuellement en province qu’à Paris, et bientôt il y aura plus de talents. J’ai entre les mains un manuscrit admirable contre le fanatisme, fait par un provincial ; j’espère qu’il sera bientôt imprimé.

Je vous supplie, mon cher ami, de donner à Thieriot les rogatons de vers qui sont dans mon paquet : cela peut servir à sa correspondance.

Je vous embrasse plus tendrement que jamais.

Je tiens qu’il est très-bon qu’on envoie cette lettre à Coger, à ses écoliers et aux pères des écoliers. Il ne s’agit pas ici de divertir le public et de plaire, il s’agit d’humilier et de punir un maraud impudent.

  1. Editeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez la Lettre de Gérofle à Coger.