Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7070

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 431-432).
7070. — À M. DAMILAVILLE.
18 novembre.

Je présume, mon cher ami, qu’on vous a donné de fausses alarmes. Il n’est point du tout vraisemblable qu’un conseiller d’État, occupé d’une décision du roi qui le regarde, ait attendu un autre conseiller d’État à la porte du cabinet du roi, pour parler contre vous. On ne songe dans ce moment qu’à soi-même, et tout au plus aux affaires majeures, dont on ne dit qu’un mot en passant. Si mon amitié est un peu craintive, ma raison est courageuse. Je ne me figurerai jamais qu’un maréchal de France, qui vient d’être nommé pour commander les armées, attende un ministre au sortir du conseil pour lui dire qu’un major d’un régiment n’est pas dévot : cela est trop absurde. Mais aussi il est très-possible qu’on vous ait desservi, et c’est ce qu’il faut parer.

J’ai imaginé d’écrire à Mme de Sauvigny[1], qui est venue plusieurs fois à Ferney. Je ferai parler aussi par monsieur son fils. Je saurai de quoi il est question, sans vous compromettre.

On a imprimé en Hollande des lettres au Père Malebranche ; l’ouvrage est intitulé le Militaire philosophe[2] ; il est excellent : le Père Malebranche n’aurait jamais pu y répondre. Il fait une très-grande impression dans tous les pays où l’on aime à raisonner.

On m’assure de tous côtés que l’on doit assurer un état civil aux protestants, et légitimer leurs mariages ; il est étonnant que vous ne m’en disiez rien.

Bonsoir, mon très-cher ami ; je vous embrasse bien fort.

  1. Cette lettre manque.
  2. Voyez la note, tome XXVII, page 117.