Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7091

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 450).
7091. — À M. CHARDON.
11 décembre.

Monsieur, vous m’étonnez de vouloir lire des bagatelles, quand vous êtes occupé à déployer votre éloquence sur les choses les plus sérieuses ; mais Caton allait à cheval sur un bâton avec un enfant, après s’être fait admirer dans le sénat. Je suis un vieil enfant ; vous voulez vous amuser de mes rêveries, elles sont à vos ordres ; mais la difficulté est de les faire voyager. Les commis à la douane des pensées sont inexorables. Je me ferais d’ailleurs, monsieur, un vrai plaisir de vous procurer quelques livres nouveaux qui valent infiniment mieux que les miens ; mais je ne répondrais pas de leur catholicité. Ce qui me rassurerait, c’est que le meilleur rapporteur du conseil doit avoir sous les yeux toutes les pièces des deux parties.

Si vous pouvez, monsieur, m’indiquer une voie sûre, je ne manquerai pas de vous obéir ponctuellement.

J’ose me flatter que vous ferez bientôt triompher l’innocence des Sirven[1], que vous serez comblé de gloire ; soyez sûr que tout le royaume vous bénira : vous détruirez à la fois le préjugé le plus absurde, et la persécution la plus abominable.

J’ai l’honneur d’être, avec autant d’estime que de respect, monsieur, votre, etc.

P. S. Vous me pardonnerez de ne pas vous écrire de ma main ; mes maladies et mes yeux ne me le permettent pas.

  1. Voyez lettre 7186.