Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7092

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 450-451).
7092. — À M. L’ABBÉ MORELLET.
12 décembre.

Vous êtes, mon cher docteur philosophe, le modèle de la générosité ; c’est un éloge que les simples docteurs méritent rarement. Vous prévenez mes besoins par vos bienfaits. Je vous dois les belles et bonnes instructions que M. de Malesherbes a bien voulu me donner. Cette interdiction de remontrances sous Louis XIV, pendant près de cinquante années, est une partie curieuse de l’histoire, et par conséquent entièrement négligée par les Limiers et les Reboulet, compilateurs de gazettes et de journaux. Je ne connais qu’une seule remontrance, en 1709, sur la variation des monnaies ; encore ne fut-elle présentée qu’après l’enregistrement, et on n’y eut aucun égard.

Je vous supplie, mon cher philosophe, d’ajouter à vos bontés celle de présenter mes très-humides remerciements au magistrat philosophe[1] qui m’a éclairé. Plût à Dieu qu’il fût encore à la tête de la littérature ! Quand on ôta au maréchal de Villars le commandement des armées, nous fûmes battus ; et lorsqu’on le lui rendit, nous fûmes vainqueurs.

Je suis accablé de vieillesse, de maladies, de mauvais livres, d’affaires. J’ai le cœur gros de ne pouvoir vous dire, aussi longuement que je le voudrais, tout ce que je pense de vous, et à quel point je suis pénétré de l’estime et de l’amitié que vous m’avez inspirées pour le reste de ma vie.

  1. Malesherbes.