Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7100

La bibliothèque libre.
7100. — À M. DE POMARET,
ministre du saint évangile, à ganges, en langedoc.
18 décembre.

Le solitaire à qui M. de Pomaret a écrit a tenté en effet tout ce qu’il a pu pour servir des citoyens qu’il regarde comme ses frères, quoiqu’il ne pense ni comme eux ni comme leurs persécuteurs. On a déjà donné deux arrêts du conseil, en vertu desquels tous les protestants, sans être nommés, peuvent exercer toutes les professions, et surtout celle de négociant. L’édit pour légitimer leurs mariages a été quatre fois sur le tapis au conseil privé du roi. À la fin il n’a point passé, pour ne pas choquer le clergé trop ouvertement ; mais on a écrit secrètement une lettre circulaire à tous les intendants du royaume ; on leur recommande de traiter les protestants avec une grande indulgence. On a supprimé et saisi tous les exemplaires d’un décret de la Sorbonne, aussi insolent que ridicule, contre la tolérance. Le gouvernement a été assez sage pour ne pas souffrir que des pédants d’une communion osassent damner toutes les autres de leur autorité privée. Les hommes s’éclairent, et le contrains-les d’entrer[1] paraît aujourd’hui aussi absurde que tyrannique.

M. de Pomaret peut compter sur la certitude de ces nouvelles, et sur les sentiments de celui qui a l’honneur de lui écrire.

  1. Ces paroles de saint Luc, xiv, 23, sont le sujet d’un ouvrage de Bayle.