Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7118

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7118. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[1].
2 janvier.

Je vous dois des réponses, mon cher philosophe militaire ; mais il y a trois mois que je ne sors presque point de mon lit. J’achève ma carrière tout doucement ; ma plus grande peine est de ne pouvoir remplir, comme je voudrais, les devoirs de mon cœur.

Savez-vous bien qu’on a imprimé on Hollande un petit livre intitulé le Philosophe militaire[2] ? Ce n’est pourtant pas vous qui l’avez fait ; on le connaissait depuis longtemps en manuscrit. C’est un ouvrage dans le goût du Curé Meslier ; il est de Saint-Hyacinthe, que la chronique scandaleuse a cru fils de l’évêque de Meaux, Bossuet : il avait été en effet officier un ou deux ans. Tachez de vous procurer cet écrit ; il n’est pas orthodoxe, mais il est très-bien raisonné et mérite d’être réfuté.

Vous pourriez aisément faire venir d’Amsterdam une petite bibliothèque complète. Vous n’auriez qu’à vous adresser à un libraire de Bordeaux, et lui dire de vous faire venir par Marc-Michel Rey, libraire d’Amsterdam, tous les livres que ce Marc-Michel a imprimés sur ces matières ; il y en a plus de quinze volumes. Le secrétaire de M. le maréchal de Richelieu ou de l’intendant de la province pourrait aisément vous faire passer le paquet ; il n’y a pas à présent de voie plus commode.

Il paraît une autre brochure du même Saint-Hyacinthe intitulée le Dîner du comte de Boulainvilliers[3]. On pourrait vous l’envoyer par la poste de Lyon ; mais il serait à propos que vous eussiez une correspondance à Limoges.

Je vous souhaite une bonne année ; vivez longtemps, monsieur, pour l’intérêt de la vertu et de la vérité.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Ou plutôt le Militaire philosophe.
  3. Par Voltaire. Voyez tome XXVI.