Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7134

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 490-491).
7134. — À M. MARMONTEL.
13 janvier.

Il y a longtemps, mon cher confrère, que je connais l’origine de la querelle des conseillers Coré, Datan et Abiron[1], avec l’évêque du veau d’or ; mais le bon de l’affaire, c’est qu’elle fut citée solennellement à un concile de Reims, à l’occasion d’un procès que les chanoines de Reims avaient contre la ville.

Où diable avez-vous trouvé le livre de Gaulmin[2] ? savez-vous que rien n’est plus rare, et que j’ai été obligé de le faire venir de Hambourg ? Je ne suis pas mal fourni de ces drogues-là.

Il est bien triste qu’on joue encore sur les tréteaux de la Sorbonne, tandis que la Comédie est déserte. Voilà ce qu’a fait la retraite de Mlle Clairon. Elle a laissé le champ libre à Riballier et au singe de Nicolet[3].

J’ai lu hier le Vencelas[4] que vous avez rajeuni. Il me semble que vous avez rendu un très-grand service au théâtre. Mme Denis est bien sensible à votre souvenir ; et moi, très-affligé d’être abandonné tout net par M. d’Alembert ; mais s’il se porte bien, et s’il m’aime toujours un peu, je me console.

Mme Geoffrin doit être fort contente des succès du roi son ami : c’est une grande joie dans tout le Nord. Le nonce s’est enfui la queue entre les jambes, pour l’aller fourrer entre les fesses. Il santissimo padre ne sait plus où il en est. Il pourra bien, à la première sottise qu’il fera, perdre la suzeraineté du royaume de Naples. Le monde se déniaise furieusement, les beaux jours de la friponnerie et du fanatisme sont passés.

Illustre profès, écrasez le monstre tout doucement.

  1. Dans les Nombres, chapitre xvi.
  2. Voyez la note, tome XXX, page 317.
  3. Molé.
  4. Le Venceslas, tragédie de Rotrou, retouchée par Marmontel, était imprimé depuis 1759.